Religieux/Traditionnel

Et les morts sont à la fête…

Je me trouvais la semaine dernière à Elorza, une localité de quelques milliers d’habitants située au fin fond des Llanos. Más allá del más nunca, comme disait Rómulo Gallegos, expression bizarre que je traduirais imparfaitement par Au delà de l’au-delà. C’était le 2 novembre, le Jour des Morts selon la tradition catholique. Le soir était tombé.

Pour un peu, je me serais cru au Mexique, lors de ces fêtes colorées, d’origine précolombienne, qui se déroulent ce même jour. J’étais pourtant au Venezuela. À l’entrée du cimetière, c’était la foire : un amoncellement de petits vendeurs de crème glacée, barbe à papa et autres friandises. Des hommes, des femmes, des enfants, tout le village était là, dans un joyeux brouhaha augmenté des pétarades des moteurs à essence qui faisaient tourner les machines. La rue avait été fermée à la circulation.

Étrange et magique

À la porte du cimetière, on se bousculait. De nombreux enfants proposaient à la vente des bougies par dizaines. Les acheteurs s’affairaient, bloquant le passage. Une fois à l’intérieur, c’était l’émerveillement le plus complet : des milliers de bougies illuminaient les tombes, toutes les tombes sans exception. Une atmosphère étrange et magique se dégageait de ce lieu dédié au recueillement.

De recueillement il y en avait peu, pourtant. Chacun se préoccupait plutôt de décorer les tombes avec les bougies achetées à la volée. Pour les enfants, c’était presqu’un jeu. Pour les adultes, une tâche nécessaire et impérative.

D’offrandes sous formes de fruits ou de fleurs, comme on en voit au Mexique, il n’y en avait guère. Mais l’esprit était le même : plutôt que de pleurer les morts, il s’agissait de se réunir avec eux, de partager un moment ensemble, de leur offrir le meilleur pour qu’ils se sentent bien là où ils se trouvent. Comme s’ils faisaient toujours partie de la famille des vivants.

La mort comme continuité

La relation avec la mort, avec les morts, est ici bien différente de celle de la tradition judéo-chrétienne, et plus encore de celle de la modernité urbaine occidentale. La mort n’est pas rupture, mais continuité. Une conception qui est indéniablement d’origine précolombienne, comme si la vie et la mort ne formaient qu’un tout, et se trouvaient toutes deux dans un rapport constant avec la terre-mère, ce concept fondateur.

Je ne m’attendais pas à vivre cela au Venezuela, société de plus en plus urbaine qui a tendance à faire une croix sur ses origines, jusqu’à les renier. Il n’existe rien de tel dans les villes. Mais au bout des Llanos, là où les criollos vivent aux côtés de communautés autochtones Pumé et Cuiba, il est clair que la vie et la mort ont conservé un autre sens. Comme pour nous rappeler que mourir ce n’est pas toujours mourir…

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