Politiquement incorrect

Le blog de Chávez

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Depuis le 22 janvier 2009, un nouveau blogueur a fait son apparition : Hugo Chávez. C’est depuis cette date, en effet, que le virulent président du Venezuela publie religieusement les Líneas de Chávez [Les lignes de Chávez]. Je dis religieusement parce que, à raison d’un article par semaine, il n’a pas manqué un seul rendez-vous avec ses lecteurs depuis le début de cette nouvelle aventure journalistique.

Hugo Chávez suit ainsi son émule Fidel Castro qui, lui, publie depuis plusieurs années une suite de billets intitulée Las reflexiones de Fidel sur Internet. Pour dire vrai, tant les Líneas de Chávez que les Reflexiones de Fidel s’apparentent à des colonnes d’opinion dans un journal. Ni l’un ni l’autre ne sont de vrais blogueurs, car on les lit à sens unique : leurs écrits ne permettent pas l’interaction avec le lecteur, notamment sous forme de commentaires.

Lignes de baseball

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Que peut bien écrire Hugo Chávez dans ses Lignes? Figurez-vous que, comme il le dit lui-même dans le premier billet qu’il a publié, les lignes en question font allusion non seulement aux lignes d’écriture, mais aussi aux lignes du baseball, son sport préféré (qui est aussi celui des Vénézuéliens). C’est dire qu’il n’hésite pas à accrocher le public en écrivant dans le sens du poil. Toutefois, exactement comme dans ses discours, il le fait à sa manière : dans un langage clair, direct, didactique, branché le plus souvent sur l’actualité. Il commente ainsi les faits de la semaine, oriente la pensée, et, en bon pédagogue qu’il est, cite Bolívar, Marx, Roque Dalton ou Raul Castro.

Il n’est pas aussi intellectuel, ni aussi bon analyste que Fidel, mais incontestablement, il touche son public. En ce qui me concerne, je trouve à ses textes, tout de même, un sérieux bémol : ses constantes allusions à sa condition de militaire. Mais, que voulez-vous, l’homme ne se refera pas! Et puis, voyons cela en contexte : l’uniforme reste un facteur de prestige en Amérique latine. Dès lors, pourquoi s’en priver? Par ailleurs, pour ce qui est du style, il faut reconnaître qu’Hugo Chávez écrit plutôt bien, ou en tout cas il a de bons réviseurs !

La colonne de Chávez est reprise par de nombreuses sources, journaux écrits ou sites web. Ce sont vingt-huit journaux vénézuéliens qui publient sa colonne hebdomadaire, dont le plus important est Ultimas Noticias. Mais contrairement à Fidel, qui est traduit en plusieurs langues (dont le français), Hugo n’a pas encore, que je sache, les honneurs de la traduction systématique de sa prose.

Chefs d’État et journalistes

Tout cela s’inscrit dans une tendance qu’a relevée récemment le site web d’information Slate : les chefs d’État se transforment de plus en plus en journalistes, et cela tout spécialement en Amérique latine. C’est ce que depuis quelque temps fait allègrement Hugo Chávez, avec son émission télévisée Aló Presidente et maintenant avec les Líneas de Chávez. Mais il n’est pas le seul : Evo Morales en Bolivie et Rafael Correa en Équateur ont aussi leur émission, de radio pour le premier, de télévision pour le second. Et à l’opposé de l’échiquier politique, même Alvaro Uribe participe à une émission hebdomadaire sur la chaîne publique colombienne.

C’est que dans ce continent, les gens de pouvoir (et spécialement, bien entendu, ceux dont le programme implique un changement, même modéré) soupçonnent  la grande presse, qui se trouve traditionnellement aux mains de grands groupes conservateurs, de ne pas jouer fair-play et de mettre volontiers au rancart son rôle informatif et démocratique. Les exemples abondent de mauvaise foi de la presse vis-à-vis des dirigeants politiques, a fortiori s’ils sont de gauche.

Pour ces derniers, la solution la plus évidente qui s’offre à eux consiste alors à prendre la plume ou à saisir eux-même le micro pour tenter de redresser la barre.

Mais la barre est dure et la tâche est rude, dans cette véritable guerre des médias. Si bien qu’avec leur colonne d’opinion, Hugo Chávez et ses émules pourraient rapidement éprouver, eux aussi, l’angoisse intime et existentielle de tout blogueur : Combien me lisent? L’effort en vaut-il la peine? Suis-je « influent »?

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