Incident sur un terrain de football. Vous me direz que cela n’a rien de vraiment original. Celui qui a eu lieu le 28 octobre dernier dans le stade de Pueblo Nuevo, à San Cristóbal, au Venezuela, mérite pourtant d’être relaté.
C’était un match du championnat national. Le club local, le Deportivo Táchira, reçoit l’Atlético Venezuela. Exceptionnellement, les locaux ne portent pas leur traditionnel maillot rayé jaune et noir, mais bien un maillot uniformément rose. Ainsi en a décidé la direction du club, qui désire de cette façon marquer son soutien à la campagne nationale contre le cancer du sein. Le club est présidé par une femme, Juana Suárez, et l’un de ses dirigeants se bat depuis plusieurs mois contre le cancer. La mesure fait l’unanimité. Avant le match, les joueurs posent devant une affiche expliquant leur appui à la cause.
Quolibets homophobes
C’est compter sans les spectateurs, et en particulier ceux appartenant à la Avalancha Sur, un groupe de fanatiques ultras qui se regroupent dans la tribune sud. Avant même le coup d’envoi, huées et sifflets fusent. Comment leur équipe pourrait-elle jouer en rose, la couleur des homosexuels ? Il n’en pas question. Les esprits s’échauffent. La pelouse est envahie sous une pluie de quolibets homophobes. Devant une telle furie, aucun raisonnement n’est possible. Les arbitres n’ont d’autre solution que d’annuler purement et simplement le match.
Les dirigeants du club, eux, ont tenté de sauver l’honneur : dix jours plus tard, ils mettaient aux enchères les 32 maillots roses de ce jour-là. La vente leur a rapporté la coquette somme de 32.000 bolivars (7500 US$ au taux officiel), qu’ils ont reversés à la campagne contre le cancer du sein.
L’incident va au-delà de la simple anecdote. Il montre clairement combien l’homophobie continue d’imprégner bonne partie de la société vénézuélienne, largement composée de machos incapables de tolérer ne fut-ce qu’un soupçon d’inoffensive couleur rose. Comme s’ils se sentaient menacés dans leur pouvoir absolu, mais dérisoire.