Politiquement incorrect

Le chavisme sans Chávez ou le Venezuela sans chavisme ?

Pleurs à l'annonce de la récidive du cancer de Chávez

Pleurs à l’annonce de la récidive du cancer de Hugo Chávez (Photo: REUTERS / Isaac Urrutia)

L’émouvante annonce faite par Hugo Chávez de la récidive de son cancer, vendredi soir, marque indéniablement un tournant décisif pour le Venezuela. Pour la première fois le président vénézuélien a évoqué la possibilité de ne pas pouvoir entamer son nouveau mandat et a reconnu publiquement qu’il n’était pas invincible. Dans la foulée, il a désigné son possible successeur en la personne de Nicolás Maduro, actuel ministre des Affaires étrangères et vice-président, et a appelé à l’unité.

Il est sans doute trop tôt pour se lancer dans des analyses élaborées et faire des pronostics sur l’avenir du pays à court ou moyen terme. Le Venezuela est tombé dans une incertitude plus grande que jamais. Disons en gros que deux perspectives affleurent : un chavisme sans Chávez, avec Nicolás Maduro (ou quelqu’un d’autre ?) au pouvoir, ou un Venezuela sans chavisme.

L’impossibilité de gouverner ou la disparition du président impliquent en effet la tenue d’élections dans les 30 jours. Ce délai extrêmememt court permet d’augurer un vote très émotionnel, laissant la porte ouverte à toutes les possibilités. Les élections régionales de ce dimanche 16 décembre nous fourniront sans aucun doute des indications intéressantes sur ce que pourraient être les rapports de forces dans le futur « Venezuela sans Chávez ».

Pour les lecteurs qui n’auraient pas suivi l’actualité vénézuélienne des derniers jours, je reprends ci-dessous quelques articles de l’Agence France-Presse qui résument les principaux évènements survenus depuis vendredi soir et dessinent quelques perspectives d’avenir.

Chavez, face à une récidive de son cancer, envisage un retrait

CARACAS (AFP) – Le président vénézuélien Hugo Chavez devait se rendre dimanche à Cuba pour y subir une opération après une nouvelle récidive de son cancer, et a pour la première fois fait allusion à son possible retrait du pouvoir en désignant son vice-président comme éventuel successeur.

Dans un discours plein d’émotion où il a même brandi et embrassé un crucifix, Hugo Chavez, âgé de 58 ans et au pouvoir depuis 1999, a admis que son cancer l’avait une nouvelle fois rattrapé et reconnu implicitement que, cette fois-ci, il pourrait ne pas revenir au pouvoir.

M. Chavez, réélu haut la main le 7 octobre et qui doit en principe accéder officiellement à son troisième mandat le 10 janvier, a désigné son vice-président Nicolas Maduro non seulement pour assurer l’intérim de la présidence s’il devait être déclaré « inapte » à assumer ses fonctions, mais aussi pour lui succéder s’il lui était impossible de reprendre son poste.

Alors que sa disparition de la scène publique alimentait depuis des semaines les rumeurs sur son état de santé, le dirigeant vénézuélien a annoncé lui-même la nouvelle samedi soir à la radio-télévision.

« A cause de quelques autres symptômes, nous avons décidé avec l’équipe médicale d’avancer les examens (…) et, malheureusement, dans ce bilan exhaustif, est apparue la présence de quelques cellules malignes récentes », a déclaré M. Chavez qui s’était rendu à La Havane pour ces examens.

Il a également reconnu que « les douleurs sont assez importantes », traitées par des calmants.

« Il est absolument indispensable que je subisse une nouvelle intervention chirurgicale et elle doit avoir lieu dans les prochains jours », a-t-il ajouté. Ses médecins avaient même préconisé qu’elle ait lieu dès vendredi, puisqu’il était déjà sur place, mais il a refusé, préférant revenir au Venezuela pour demander au Parlement l’autorisation de quitter le pays pendant plus de cinq jours.

Cela a été chose faite dimanche, les députés ayant donné leur feu vert à l’unanimité, avec les voix de l’opposition qui a cependant demandé « la vérité » sur l’état de santé du chef de l’Etat.

« Commandant, partez tranquille à Cuba. Nous vous attendons », a déclaré après le vote le président de l’Assemblée nationale, Diosdado Cabello.

M. Chavez, qui a annoncé qu’il regagnerait Cuba dès dimanche, a admis qu’il pourrait ne pas revenir au pouvoir, pour la première fois depuis qu’il a commencé en 2011 à se battre contre sa maladie. L’opération à venir est la quatrième de son cancer qui a été traité comme un secret d’Etat par les autorités de Caracas et dont on ignore le caractère exact.

« Si quelque chose arrivait, qui me fasse déclarer inapte de quelque manière, (le vice-président et ministre des Affaires étrangères) Nicolas Maduro est en situation d’assumer, comme l’impose la Constitution, la période » d’intérim avant la convocation de nouvelles élections.

S’il était dans l’incapacité de commencer son nouveau mandat le 10 janvier, la Constitution prévoit de nouvelles élections dans les 30 jours et un interim assuré par le président du Parlement.

Si M. Chavez était présent le 10 janvier mais devait quitter son poste dans les quatre premières années de son mandat, alors de nouvelles élections seraient également convoquées, mais c’est le vice-président qui assurerait l’intérim.

Et à ces nouvelles élections, « vous élirez Maduro président de la République, je vous le demande du fond du coeur », a déclaré Hugo Chavez, laissant ainsi non seulement aux électeurs mais aussi à son propre parti une consigne claire pour sa succession.

Le chef de l’opposition et candidat présidentiel battu en octobre, Henrique Capriles, a critiqué dimanche cette démarche en affirmant: « Qu’il soit bien clair qu’au Venezuela il n’y a pas de succession. Nous ne sommes pas à Cuba et nous ne sommes pas une monarchie où il y a un roi et puis l’accession au trône de celui qu’il a désigné. Non, ici au Venezuela (…) c’est toujours le peuple qui a le dernier mot ».

M. Maduro, un ancien chauffeur d’autobus de 50 ans, qui a commencé sa carrière politique en tant que syndicaliste, représente l’aile modérée de l’entourage de M. Chavez, face au président de l’Assemblée nationale, Diosdado Cabello, beaucoup plus radical.

Hugo Chavez a déjà subi trois opérations à Cuba après la découverte d’une tumeur cancéreuse dans la zone pelvienne en juin 2011. Il s’était à deux reprises déclaré totalement guéri.

Après avoir été réélu le 7 octobre, pour la troisième fois après 2000 et 2006, le chef d’Etat, chauve, à la silhouette alourdie, s’est éclipsé de la vie publique en raison de ses problèmes de santé.

M. Chavez était parti à l’improviste à La Havane dans la nuit du 27 novembre pour y suivre des séances d' »oxygénation hyperbare », dont l’objet n’a pas été dévoilé officiellement.

Sur la place Bolivar à Caracas, des centaines de ses partisans se sont rassemblés dimanche pendant toute la journée en scandant: « Il vivra, il vivra, le commandant vivra! » De semblables rassemblements ont eu lieu ailleurs dans le pays.

Chavez face au défi de pérenniser le chavisme en son absence

Hugo Chávez et Diosdado Cabello

Hugo Chávez et Diosdado Cabello, président de l’Assemblée nationale

CARACAS – Le président vénézuélien Hugo Chavez a désigné son vice-président Nicolas Maduro comme successeur afin de commencer à préparer le chavisme sans lui et garantir l’unité du mouvement en l’absence de son unique et indiscutable dirigeant, si le cancer devait l’éloigner du pouvoir, estiment des analystes.

En intronisant comme héritier politique son ministre des Affaires étrangères et vice-président, M. Chavez a commencé samedi la transition et employé la meilleure technique: faire l’annonce de son vivant, parce que c’est beaucoup plus efficace pour garantir les soutiens pour son poulain, a expliqué à l’AFP le président de l’institut d’enquêtes d’opinion Datanalisis, Luis Vicente Leon.

M. Maduro, âgé de 49 ans, a été nommé vice-président en octobre, après la réélection de Hugo Chavez à la tête de l’Etat à l’issue d’une campagne déjà marquée par les incertitude sur la santé du président sortant.

Le vice-président assumera temporairement le pouvoir si M. Chavez se trouve dans l’impossibilité d’assumer ses fonctions, et il a été investi candidat officiel du pouvoir pour d’éventuelles élections qui devraient se tenir dans les 30 jours après le retrait du président.

Hugo Chavez a révélé samedi souffrir d’une nouvelle récidive du cancer pour lequel il est soigné depuis juin 2011, ce qui nécessitera une nouvelle opération qui sera à nouveau réalisée à La Havane, dans les heures qui viennent.

Le président Chavez, qui exerce depuis 1999 un pouvoir sans partage marqué par une très forte personnalisation et n’avait jamais jusqu’alors permis l’émergence d’autres leaders politiques au sein du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), doit assurer désormais l’unité de son camp derrière M. Maduro.

Le président a donné un ordre pour qu’il soit exécuté dans les meilleures conditions: cela signifie qu’il essaie de rassembler son camp derrière M. Maduro, indépendamment du fait qu’il soit lui-même déclaré inapte, à court terme ou non, à exercer le pouvoir, a ajouté M. León.

Nicolas Maduro sera-t-il capable d’unifier toutes les tendances du PSUV? C’est un homme populaire et politiquement attrayant parce qu’il appartient à l’aile modérée, ce n’est pas un dirigeant rejeté comme d’autres figures du chavisme, c’est un orateur et il est jeune, a relevé cet analyste, admettant toutefois qu’il est impossible de prédire quel niveau de soutien cet ancien syndicaliste, chauffeur de bus parviendra à réunir.

Pour Carmen Beatriz Fernandez, dirigeante de l’institut DataStrategia, M. Chavez n’a cependant pas seulement nommé son vice-président mais, sans le dire explicitement, a formé un couple, avec le président de l’Assemblée nationale, Diosdado Cabello, un ex-militaire de tendance radicale.

Diosdado n’est pas hors jeu. C’est Maduro le civil qui s’appuie sur la figure militaire. Le président veut le ficeler et bien le ficeler, a-t-elle expliqué.

La désignation de M. Maduro peut compter sur l’appui de Diosdado, d’Adan Chavez (frère de Hugo et gouverneur de l’Etat de Barinas) et de Fidel Castro, mais ça ne constitue qu’une partie de l’histoire, a toutefois averti M. Leon.

Ceux que nous ne connaissons pas sont les invisibles (au sein du PSUV), ceux qui face à un changement vont voir menacer leurs forces, leur pouvoir, leurs affaires, a-t-il ajouté.

L’épreuve du feu serait la convocation de nouvelles élections, au cas où le président ne pourrait être investi pour son nouveau mandat, le 10 janvier prochain, après sa réélection pour six ans, le 7 octobre, avec plus de 55% des voix face au candidat de l’opposition Henrique Capriles (44%) qui a fait le meilleur score jamais enregistré contre Chavez depuis son accession au pouvoir.

M. Capriles est un risque concret pour tout candidat du pouvoir autre que Chavez, a estimé M. Leon.

Des observateurs n’écartent toutefois pas une réforme constitutionnelle qui éviterait d’avoir à convoquer une élection présidentielle et permettrait de désigner Nicolas Maduro comme président.

(©AFP / 09 décembre 2012 20h26)

Venezuela: Maduro, un modéré conciliant nommé successeur par Chavez

Hugo Chávez et Nicolas Maduro

Hugo Chávez et Nicolas Maduro

CARACAS – Le vice-président du Venezuela et ministre des Affaires étrangères Nicolas Maduro, ancien chauffeur d’autobus et syndicaliste, désigné comme son dauphin par le président Hugo Chavez malade, est à 50 ans un vétéran du chavisme, considéré comme conciliant et modéré.

Hugo Chavez, 58 ans, qui a demandé samedi soir aux Vénézuéliens de faire de M. Maduro leur président si lui-même devait quitter le pouvoir, a assuré qu’il était un révolutionnaire à part entière ainsi qu’un homme plein d’expérience malgré sa jeunesse.

C’est l’un des jeunes dirigeants ayant les meilleurs capacités pour diriger le pays avec sa main ferme, avec sa vision, avec son coeur d’homme du peuple, avec son talent avec les gens (…), avec la reconnaissance internationale qu’il s’est acquise, a ajouté le président.

Déjà ministre des Affaires étrangères depuis 2006, Nicolas Maduro a en outre été nommé vice-président par M. Chavez dans la foulée de sa victoire à la présidentielle du 7 octobre.

Auparavant, cet ancien chauffeur de bus à la haute stature arborant une épaisse moustache sombre, à l’abord aimable et dont on sait peu sur la vie privée hormis qu’il la partage avec Cilia Flores, procureur général de la République, avait brièvement été président de l’Assemblée nationale (2005-2006), après avoir obtenu son premier mandat de député en 1999, sous la bannière du Mouvement 5e République, fondé par Hugo Chavez arrivé au pouvoir la même année.

Les destins des deux hommes s’étaient déjà croisés au sein du Mouvement révolutionnaire bolivarien 200 (MBR-200), également créé par M. Chavez, à la tête duquel il avait mené son coup d’Etat manqué contre le président Carlos Andrés Pérez en 2002.

Regardez où va Nicolas, le chauffeur de bus Nicolas. Il était chauffeur de bus, et comme ils se sont moqués de lui!, s’était exclamé M. Chavez en le nommant vice-président.

Son nom avait été cité avec de plus en plus d’insistance à l’heure des pronostics sur le nom du successeur du président malade. Et dès le début des allers-retours médicaux de Hugo Chavez à Cuba, il avait été l’un de ses visiteurs les plus assidus.

Et lorsque le président est revenu vendredi d’un nouveau séjour médical à La Havane, c’est encore Nicolas Maduro qui est apparu sur la passerelle de l’avion à la télévision au côté de M. Chavez, ratant du même coup l’un et l’autre leur premier sommet des chefs d’Etat du Mercosur à Brasilia depuis l’adhésion cet été du Venezuela au marché commun économique sud-américain.

La haute silhouette de ce membre de l’aile modérée du chavisme est également devenue plus familière dans les rendez-vous internationaux depuis qu’il a remplacé à plusieurs reprises un Hugo Chavez affaibli lors de grands sommets.

Des analystes soulignent également son ton conciliant et sa grande capacité à négocier et à exercer une influence sur les différentes tendances du chavisme.

Il n’est pas bruyant verbalement et il semble être quelqu’un (…) disposé au dialogue, estime le politologue Ricardo Sucre. De plus, c’est le choix des (dirigeants cubains Fidel et Raul) Castro, grands alliés du président Chavez, ajoute ce professeur à l’université centrale du Venezuela.

L’historienne Margarita Lopez Maya souligne pour sa part la fidélité du meilleur porte-parole international du gouvernement Chavez, dont il a parfaitement adopté la réthorique anti-impérialiste et le soutien à des régimes controversés, comme en Iran, en Libye ou en Syrie.

(©AFP / 09 décembre 2012 21h24)

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