
La signature de Simón Bolívar sur les affiches du Sí
Le Libertador Simón Bolívar, héros national vénézuélien s’il en est, s’est trouvé malgré lui au cœur de la campagne référendaire qui vient de se terminer.
Du côté du oui, on a joué dans le subliminal : l’affiche principale de la campagne montre un énorme Sí rouge sur fond de signatures : un échantillon des signatures de personnes qui ont appuyé la convocation de ce référendum, en décembre dernier. Et puis, ô surprise!, parmi ces signatures de citoyens apparaît, bien en évidence, celle de Simón Bolívar.
Du côté du non, l’argument est que « Bolívar a déjà dit non », et de citer, re-citer et rere-citer certaine petite phrase du fameux discours de Angostura que Bolívar a prononcé le 15 février 1819 (tiens, c’en est aujourd’hui, jour du référendum, le 190e anniversaire, ce n’est certainement pas un hasard non plus! ) :
Nada es tan peligroso como dejar permanecer largo tiempo en un mismo ciudadano el poder. El pueblo se acostumbra a obedecerle y él se acostumbra a mandarlo; de donde se origina la usurpación y la tiranía.
[Rien n’est aussi dangereux que de laisser longtemps le pouvoir aux mains d’un même citoyen. Le peuple s’accoutume à lui obéir et lui s’accoutume à le commander; en découlent l’usurpation et la tyrannie.
OK, on a compris où ils veulent en venir. Cependant, il y a un petit hic… La première phrase est tronquée et dit textuellement :
Las repetidas elecciones son esenciales en los sistemas populares, porque nada es tan peligroso como dejar permanecer largo tiempo en un mismo ciudadano el poder. (…)
[Les élections répétées sont essentielles dans les systèmes populaires, parce que rien n’est aussi dangereux que de laisser longtemps le pouvoir aux mains d’un même citoyen. (…)]
Vous aurez sans doute perçu la petite différence. Du coup, Hugo Chávez y va d’une autre citation tirée du même discours :
¡Dichoso el ciudadano que bajo el escudo de las armas de su mando ha convocado la soberanía nacional para que ejerza su voluntad absoluta!
[Heureux le citoyen qui sous le bouclier des armes de son commandement a convoqué la souveraineté nationale pour qu’elle exerce sa volonté absolue!]
Et l’on se bat ainsi à coup de citations du Libertador, lesquelles, prises hors de leur contexte historique, veulent dire tout et n’importe quoi.
Référence ultime
Il faut dire qu’au Venezuela, Simón Bolívar a toujours été la référence ultime des hommes politiques, quels qu’ils soient –de gauche ou de droite, dictateurs ou démocrates… Déjà, en 1969, l’historien Germán Carrera Damas publiait un essai intitulé El culto a Bolívar, dans lequel il se proposait de « comprendre une forme idéologique d’une importance capitale dans la vie historique du Venezuela ». Et de préciser :
Par culte à Bolívar, nous entendons la complexe formation historico-idéologique qui a permis de projeter les valeurs de la figure du Héros sur tous les aspects de la vie d’un peuple.
Comme quoi le « bolivarianisme », comme facteur d’unité nationale, comme facteur de gouvernement et comme facteur de dépassement national, n’est pas né avec Hugo Chávez. Autant le savoir.
Cela dit, la question reste entière : pour qui va voter Simón Bolívar dans le référendum de ce jour? La partie semble si serrée que c’est son fantôme omniprésent qui, peut-être, va décider du résultat…
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