Une machine à voter Smartmatic

Je vous invite à voter comme si vous étiez Vénézuélien, ce dimanche 14 avril. Comme vous le savez, le vote est totalement électronique au Venezuela. Même les plus petits hameaux andins et les communautés indiennes les plus éloignées, situées parfois à des heures de piste en 4X4 ou en pirogue, sont équipés des derniers développements électroniques. Une fois le décompte effectué, une parabole, plantée le plus souvent sur le toit de l’école locale, transmet les données via satellite au Conseil national électoral (CNE), à Caracas.

Le matériel utilisé (photo ci-dessus) a été conçu par la firme Smartmatic, une entreprise leader sur le marché du vote électronique. Les élections présidentielles d’octobre dernier –celles remportées par Hugo Chávez– furent l’occasion d’une première mondiale : le système mis en place a utilisé l’authentification biométrique de l’électeur pour activer les machines à voter. 39.018 machines à voter avaient été déployées dans 13 810 bureaux de vote.

Selon la présidente du CNE, Tibisay Lucena, « le système est blindé contre tout risque de fraude ». Les observateurs internationaux le confirment, et même les dirigeants d’opposition en conviennent, du moins en privé. Cela n’empêche évidemment pas certains citoyens, surtout de l’opposition, d’émettre des doutes sur la fiabilité du système. Mais aucune preuve de fraude n’a été jusqu’ici avancée.

Le tarjetón

Voyons donc à quoi ressemble le processus électoral au Venezuela. Familiarisez-vous d’abord avec ce qu’on appelle ici boleta ou plus communément tarjetón. Il s’agit de la liste des candidats, telle que vous la verrez apparaître électroniquement devant vous au moment de voter. Plusieurs semaines avant le scrutin, elle est amplement présentée dans la presse et distribuée sous sa forme imprimée. Voici un spécimen du tarjetón de l’élection présidentielle de ce 14 avril 2013 :

Comme vous pouvez le voir, il y a beaucoup de portraits de Nicolás Maduro et un seul de Henrique Capriles (en bas à gauche). Cela vous surprend ? Une petite explication : dans le cas de Maduro, chacun des partis qui l’appuient ont présenté sa candidature au CNE et les électeurs pourront voter pour lui sous plusieurs étiquettes. L’avantage ? En cas de victoire, chaque parti pourra compter ses votes et éventuellement les négocier contre des parcelles de pouvoir dans le futur gouvernement. En fait, c’est le parti chaviste officiel, le PSUV (en haut à gauche) qui recueillera l’essentiel des voix, les autres faisant l’appoint. Le désavantage ? Cela fait un peu désordre.

Dans le cas de Henrique Capriles, par contre, c’est la Mesa de la Unidad Democrática (MUD), coalition électorale de l’opposition, qui a présenté cette fois sa candidature au nom de la vingtaine de partis qui la composent (aux élections d’octobre 2012, ce n’était pas le cas, chacun des partis qui l’appuyaient l’ayant postulé comme candidat). Avantage : une impression d’unité. Désavantage : les partis ne peuvent savoir combien de votes ils récoltent et ne peuvent donc mesurer leur influence respective.

À remarquer qu’il y a cinq autres candidats sur le tarjetón, mais ceux-ci n’ont aucune chance de gagner, ni même d’influencer tant soit peu les résultats. C’est évidemment entre  Maduro et Capriles que cela va se jouer.

Simulation du vote électronique

Rendez-vous maintenant à votre bureau de vote… Virtuellement, visitez plutôt le site ComoVotar.com et prêtez-vous au jeu. Dans cette simulation, vous pourrez expérimenter, pas à pas, le vote électronique à la vénézuélienne, comme si vous y étiez.

Et si quelqu’un (du parti) vient frapper à votre porte pour vous proposer de vous emmener au bureau de vote, si vous répondez que vous êtes occupé(e) et ne pouvez pas y aller, s’il insiste en vous proposant un(e) remplaçant(e) pour effectuer vos tâches, si vous terminez par accepter, n’oubliez pas qu’une fois dans l’isoloir le vote est libre et secret et que vous pouvez voter pour qui vous chante ! C’est ce que dit cette vidéo de la plateforme de l’ONG liée à l’opposition Ciudadana Activa :

La vidéo a été interdite de diffusion à la télévision par le CNE car, volontairement biaisée, elle dénonce de façon unidirectionnelle et flagrante les pressions exercées par le chavisme sur ses militants et sympathisants et apparaît donc comme une incitation à voter pour l’opposition.

Bon vote !