Politiquement incorrect

Les adecos du 21e siècle

Du Parti socialiste unifié du Venezuela à Action démocratique

Du Parti socialiste unifié du Venezuela à Action démocratique

Regardez attentivement ces deux photos : il s’agit de la même maison, située sur la place Bolívar de Aricagua, un village de l’état de Mérida. En 2009 (photo de gauche), c’était le siège de la section municipale du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), le parti qui regroupe les partisans de Hugo Chávez. La maison était à vendre. Et qui l’a achetée ? La réponse se trouve sur la photo de droite : le comité exécutif municipal d’Action démocratique (AD), parti d’opposition. Un peu de peinture –le blanc est la couleur de AD– et le tour était joué !

À première vue, ce transfert pourrait paraître incongru. Et pourtant !… Il suffit de creuser quelque peu dans l’histoire politique du Venezuela pour se rendre compte que le passage de l’un à l’autre (et de l’autre à l’un) n’est pas si étonnant.

Le coup d’État de 1945

La junte de gouvernement (1945-1948)

La junte de gouvernement (1945-1948)

Sait-on encore (même au Venezuela) qu’en 1945, le parti Action démocratique est arrivé au pouvoir en fomentant un coup d’État, avec l’appui d’un secteur des forces armées ? Sait-on encore qu’Action démocratique plaçait la révolution au centre de son discours, comme l’atteste encore l’hymne du parti (dont le refrain dit « En avant miliciens, à la voix de la révolution« ) ? Sait-on aussi qu’à ses origines AD avait une idéologie clairement nationaliste, anti-impérialiste et anti-oligarchique ?

Premier parti de masse au Venezuela, AD s’est doté très tôt d’une organisation centralisée d’inspiration quasi soviétique qui lui a permis d’assurer sa présence jusque dans les derniers recoins du pays. Très tôt aussi, le discours et la pratique populistes sont devenus la marque du parti. Si l’on excepte la parenthèse dictatoriale de 1948 à 1958, AD s’est imposé rapidement comme la force politique dominante dans le pays. À tel point qu’il n’est pas rare, de nos jours encore, d’entendre dire que « tout Vénézuélien porte un petit adeco [partisan de AD] à l’intérieur ».

Parallélisme

Le parallèle historique et idéologique entre AD et le chavisme n’est en fait pas fortuit, avec la différence que Hugo Chávez est arrivé au pouvoir par les urnes, gonflé il est vrai par son coup d’État de 1992.

Ce parallélisme va plus loin : tout comme AD s’est peu à peu bureaucratisé, embourgeoisé, institutionnalisé, pour ne pas dire pétrifié, au fil des ans on constate une tendance semblable dans le mouvement chaviste, et dans le PSUV en particulier. À la lumière de l’histoire des révolutions, cette évolution semble bel et bien inéluctable, à moins d’être un adepte d’une révolution permanente qui ne laisserait aucun répit (et ne s’est jamais produite autrement qu’en théorie).

On en est là : un parti de masse de plus en plus bureaucratisé, dont beaucoup de leaders s’embourgeoisent (la bolibourgeoisie ou bourgeoisie bolivarienne) et dont beaucoup de membres sont en réalité infiltrés, car leur adhésion tient plus de la recherche d’ascension sociale, d’enrichissement personnel ou tout simplement d’emploi, que de l’idéologie socialiste prônée par le parti.

S’étonnera-t-on d’apprendre que beaucoup d’adecos se sont enrôlés dans le PSUV, trouvant dans le parti de Hugo Chávez un réceptacle proche de leur engagement antérieur ? Se surprendra-t-on de voir ces mêmes adecos « actiondémocratiser » peu à peu le PSUV ? Trouvera-t-on étranges ces constants vases communicants entre partis aux contours sociaux finalement très semblables ?

Quadrature du cercle

bolibourgeoisie au Venezuela

Incrustation bourgeoise au sein du chavisme

S’il n’est plus qu’un parti de seconde zone, déchiré et sans leader notable, Action démocratique n’est pas mort. À défaut de militants, le parti survit au sein des cœurs et des esprits : l’adéquisme comme mode de fonctionnement politique et social, en quelque sorte, reste profondément implanté dans les masses vénézuéliennes.

Tout cela oblige inévitablement à se poser la question : la révolution bolivarienne est-elle soluble dans l’adéquisme ? Ou cette autre, tout aussi gênante : les bolivariens ne sont-ils pas les adecos du 21e siècle ?

Pour le chavisme, la réponse à cette tendance forte d’« adéquisation » serait de provoquer une révolution dans la révolution. Il est cependant devenu difficile de croire à cette perspective tant l’incrustation bureaucratique, bourgeoise et opportuniste est déjà forte dans les rangs du PSUV.

Voilà donc la révolution bolivarienne au pied du mur : ou bien elle se radicalise et se transforme en robespierrisme, au risque de s’isoler des masses et de se perdre dans une espèce de soviétisation de la société ; ou bien elle met la révolution au rancart et renoue à terme avec le populisme mou, paternaliste et droitier d’Action démocratique.

En d’autres termes, le chavisme se trouve plongé dans une quadrature du cercle quasiment insoluble.

Une réflexion sur “Les adecos du 21e siècle

  1. Aun mas, yo diria que se trata de los « Adeptos ».
    (Mezcla de « Adecos » e « Ineptos »)

    ojo: todo en broma nada en serio (hay que cuadrse las espaldas porsia!)

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