On reparle de l’essence au Venezuela. À peine Hugo Chávez a-t-il déclaré dans son programme télévisé Aló Presidente du 13 février dernier que le gouvernement subsidie à plus de 90 % le prix de l’essence à la pompe et qu’il était nécessaire de réduire la consommation d’essence dans le pays que des cris effrayés se sont élevés de partout. Exemples :
- « Nous sommes un pays pétrolier et je crois que nous méritons ce subside. »
- « C’est une juste rétribution de la rente pétrolière aux Vénézuéliens. »
- « Au moins, cette essence reste au Venezuela. Sinon, elle serait offerte en cadeau à Cuba, Équateur et Nicaragua et autres pays adeptes du communisme. »
- « Je préfère qu’on me donne l’essence en cadeau plutôt que de l’augmenter et que ces nouvelles ressources finissent par aller en Bolivie, à Cuba, à Nicaragua, en Chine, en Russie ou aux ‘pauvres de Harlem’ à New York. »
Voilà pour le sentir du Vénézuélien moyen si vous l’interrogez dans la rue sur ce sujet ultra-sensible. Pour lui, l’essence la moins chère du monde (60 litres pour un euro !) est un droit, un point c’est tout. Quant à l’environnement, c’est la moindre de ses préoccupations : cette variable n’entre tout simplement pas en ligne de compte dans son radar personnel.
Des chiffres peu encourageants
Pourtant, si l’on recourt aux chiffres, ils ne sont guère encourageants :
- En 1998, la consommation intérieure du Venezuela était de 70.876 barrils ; dix ans plus tard, elle atteignait 290.000 barrils, soit une augmentation de plus de 300 %.
- Le Venezuela est de loin le pays d’Amérique latine consommant le plus de pétrole par habitant : 1749 litres par an, selon les chiffres de la CEPALC.
- C’est aussi le pays qui produit le plus de dioxyde de carbone par habitant : 6, 3 tonnes annuelles, comme le mentionne le dernier rapport sur de développement humain du PNUD.
Face a cette réalité, la marge de manœuvre du gouvernement est plutôt réduite. Augmenter le prix de l’essence pour équilibrer les comptes et diminuer la consommation ? Un pari difficile à tenir si l’on tient compte de l’état d’esprit de la population et des risques politiques que cela entraînerait. L’histoire récente du pays l’indique : une mesure de ce type pourrait enflammer, voire déstabiliser le pays à moins de deux ans d’élections présidentielles décisives pour Hugo Chávez.
Autre mesure possible : instaurer un rationnement de l’essence. Ici aussi, le prix politique à payer serait très élevé (cela ressemblerait trop à Cuba !), sans compter qu’une telle mesure favoriserait la création d’un marché noir et d’une nouvelle mafia. De fait, répondant aux rumeurs qui commençaient à courir, le gouvernement a déjà déclaré qu’il ne procéderait ni à une augmentation des prix, ni à un rationnement.
Loin d’être gagné
Pour réduire la consommation et rééquilibrer les comptes de PDVSA, la compagnie pétrolière nationale, sur le marché intérieur (le « subside » équivaut à 1500 millions de dollars, selon le ministre de l’énergie), le gouvernement mise plutôt sur trois types de mesures :
- Une incitation à l’utilisation du gaz naturel, moins cher et moins polluant, comme combustible pour les véhicules. Mais seulement 25.439 automobiles roulent actuellement au gaz, ce qui représente 5 % de l’objectif qu’avait prévu le gouvernement lors du lancement du programme.
- Une campagne de publicité massive, afin d’inciter la population à épargner l’essence et pour faire la promotion de l’essence de moindre indice d’octane (ce qui diminuera le coût de la distribution et du transport)
- L’incitation à l’installation sur les véhicules de dispositifs réduisant la consommation de carburant. Mais la vieillesse du parc automobile limite les effets d’une telle mesure. En outre, l’appui des constructeurs est nécessaire pour appliquer cette mesure.
Rien de transcendant dans tout cela, la politique en la matière étant basée essentiellement sur la bonne volonté du public. Lorsque l’on sait que, pour mettre Chávez en difficulté, l’opposition s’applique systématiquement à saboter toute mesure gouvernementale –fût-elle objectivement positive pour le pays–, on comprendra que le pari gouvernemental est loin d’être gagné !
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