Il s’appelle Cyrano. Cyrano Fernández. Il ne vient pas de Bergerac, mais de Caracas. Il est le héros du dernier film d’Alberto Arvelo.
Un héros tout ce qu’il y a de plus classique, mélange de Robin des Bois et de Cyrano de Bergerac (bien entendu). C’est un petit malfrat redresseur de torts, violent par obligation, et poète à ses heures. Petite différence par rapport à Bergerac : il vit dans un énorme barrio [bidonville] de Caracas, dédale infini de ruelles inhospitalières, jungle urbaine par excellence. Là est son royaume, là est son combat.
Le récit est assez conventionnel. L’extrême violence, parfois exagérée, de certaines scènes parvient à peine à brouiller un scénario trop téléguidé, trop attendu. La référence à Cyrano de Bergerac y est évidemment pour quelque chose. Comme celui d’Edmond Rostand, le Cyrano de Caracas se trouve embarqué secrètement au cœur d’un triangle amoureux. Comme son modèle, il souffle ses vers à Cristian, qui les répète maladroitement à Roxana; il écrit à cette dernière des lettres enflammées qu’il signe du nom de son rival. Et lui aussi, au bout de mille péripéties, meurt dans les bras de Roxana, au moment même où celle-ci découvre -enfin!- son amour pour elle.
Un archétype puissant
Pas de surprise, donc, du côté du scénario (du moins pour nous, car peu de spectateurs vénézuéliens ont sans doute cette référence au Cyrano d’origine). Mais l’effet recherché est ailleurs. Il se trouve dans l’archétype que représente Cyrano, transporté ici dans le Caracas des pauvres et des exclus, avec tout le poids que cela peut représenter : une force morale dans le barrio, un idéaliste qui se bat pour la justice sociale, un poète amoureux du beau, un rêveur au milieu du désastre quotidien. Le choc est exemplaire. Le coup pourrait porter.
Car dès le début du film, le ton est donné. Un impressionnant survol des bidonvilles infinis de Caracas nous révèle que le barrio, plutôt que Cyrano lui-même, est le véritable héros du film. Car, tel un être humain, le barrio vit, respire, s’essoufle, se bat, se perd, se prend à rêver… Tout au long du film, Alberto Arvelo nous offre des images rares de la vie dans cet univers fermé et méconnu, filmées de main de maître par Cesary Jaworsky.
Renversement de perspective
Le barrio devient subitement beau, positif, avec son esthétique faite de violences, de chaos, de solidarités et de génie populaire. Un lieu de vie aux antipodes de l’image d’Épinal -chargée de craintes et de terreurs- qui est généralement véhiculée, notamment dans les bonnes familles de Caracas. Voilà de quoi s’identifier à lui. Voilà surtout de quoi, si l’on y vit, en être fier! Petit renversement de perspective -qui s’inscrit parfaitement dans le Venezuela de Chávez.
Rio de Janeiro avait son Orphée (Orfeu Negro, de Marcel Camus, en 1959). Voici que Caracas a son Cyrano. Il n’y a pas à dire, il en avait bien besoin!
bonjour, j’ai été le voir au festival mais je voulais savoir quand exactement il sortait au cinéma en France.
merci
Alors là, c’est la question à 1000 euros. Sortira-t-il jamais en France? A-t-il un distributeur? Franchement, je ne peux répondre.
ha la la !! si c’est le cas les gens ne savent pas ce qu’ils perdent !! 🙂
merci en tout cas pour la réponse.