Depuis quelques semaines, c’est le bras de fer entre Exxon Mobil et le Venezuela. Refusant de négocier de nouvelles conditions d’exploitation avec la compagnie nationale vénézuélienne PDVSA (comme l’on fait la plupart des autres pétrolières) et mécontente des conditions de son expropriation, Exxon Mobil a préféré se tourner vers les tribunaux. Elle a obtenu de la Haute Cour de Londres le gel de 12 milliards de dollars d’actifs de PDVSA. L’affaire, pour sûr, n’en est qu’à ses débuts, le Venezuela comptant interjeter appel de cette décision.
Nul ne doute, cependant, que le tréfond de l’affaire est plus politique qu’économique. Il est difficile de croire que la stratégie d’affrontement choisie par Exxon Mobil n’ait pas reçu l’aval –pour ne pas dire l’approbation ou même l’appui– de la Maison Blanche. Ce n’est pas d’aujourd’hui que la dynastie Bush entretient des relations étroites, quasi incestueuses, avec Exxon Mobil et les barons de l’énergie du Texas. Il est de notoriété publique que la pétrolière a infiltré l’administration Bush et largement financé le lobby anti-Kyoto.
Croustillant
Alors même que cette attaque frontale a lieu contre le Venezuela, il est croustillant de lire dans la section Économie du Monde du 20 février, sous la plume de Cyrus Sanati, un article curieusement (et abusivement?) intitulé Le pétrolier ExxonMobil est en voie de disparition.
Extraits :
Comme toutes les grandes compagnies pétrolières, ExxonMobil éprouve les pires difficultés à renouveler ses réserves. Le géant texan peine à remplacer la quantité de pétrole et de gaz qu’il a produit en 2007. La lutte pour accéder aux nouvelles réserves devient de plus en plus intense. Et si cela continue, ce groupe pourrait bien disparaître en moins d’une génération.
(…) En utilisant la méthode de calcul préconisée par le gouvernement américain, ExxonMobil n’aurait remplacé que trois barils produits sur quatre. Le pétrolier rejette cette méthode et, selon ses propres chiffres, a remplacé 101 % de ses réserves. Même dans ce cas, il s’agit de sa plus mauvaise performance depuis la fusion avec Mobil en 1999. Sur les cinq dernières années, le taux de remplacement était tombé de 121 % à 112 %.
A son niveau actuel de production, ExxonMobil a suffisamment de ressources pour exister quatorze ans. Les prix très élevés du baril et la prise de contrôle des champs les plus importants par des compagnies nationales peuvent accélérer le processus. ExxonMobil doit être plus agressif en matière de fusion et d’acquisition ou trouver de nouvelles ressources dans les champs qu’il possède. Si la compagnie ne le fait pas, elle va disparaître.
On a peine à croire à la disparition du géant pétrolier. Avec son chiffre d’affaires équivalent au PIB de la Suisse et supérieur à celui de 179 des 195 pays reconnus par l’ONU, la pétrolière saura toujours bien se recycler…
En tout cas, une chose est certaine : ce n’est pas l’éternuement de Hugo Chávez qui va perturber outre-mesure Exxon Mobil, seconde capitalisation boursière mondiale et l’une des entreprises les plus profitables au monde. De plus, l’ancienne PDVSA et Exxon Mobil entretenaient des relations pour le moins cordiales. De cette époque pas si lointaine, il subsiste une entreprise de propriété commune (50/50), la raffinerie de Chalmette, en Louisiane, où est raffiné le pétrole vénézuélien à haute teneur en soufre du champ de Cerro Negro. Exxon Mobil n’est donc pas dénuée d’arguments qui pourraient faire mal au portefeuille…
S’il veut gagner son combat face à ce Goliath économique, Hugo Chávez aurait avantage à faire preuve de diplomatie et de sage détermination, plutôt que de ruer dans les brancards et de bluffer comme il en a l’habitude. D’autant plus que derrière Exxon Mobil se profilent les faucons étatsuniens, qui ne rêvent que d’une chose : en découdre avec lui.
Sur la photo : la raffinerie de Chalmette, en Louisiane, propriété commune de Exxon Mobil et PDVSA.
J’avais été aussi très étonné par la teneur de l’article du Monde, même s’il est vrai que même les grandes compagnies finissent par disparaître. Sans doute ce journaliste prend-il ses rêves pour la réalité…