En dehors de son pays d’origine, le Danemark, Fritz Melbye n’est guère connu. On sait surtout de lui qu’il fut l’ami et le mentor de Camille Pissarro, peintre français précurseur de l’impressionnisme. Tous deux ont vécu ensemble au Venezuela entre 1852 et 1854, puis se sont revus quelques années plus tard à Paris.
Leur amitié avait commencé par une rencontre fortuite sur les quais de la petite île de Saint-Thomas, dans les Caraïbes, qui appartenait alors au Danemark (depuis, elle fait partie des Îles Vierges et appartient aux États-Unis). Fritz Melbye revenait de son premier voyage au Venezuela. Camille Pissarro, de quatre ans son cadet, était venu dessiner, comme à son habitude, des scènes du port de Saint-Thomas. Il avait alors 22 ans.
Le voyage à Caracas
Lorsque, quelque temps plus tard, Fritz Melbye prépare un nouveau voyage au Venezuela, il invite Camille Pissarro à l’accompagner. Les deux hommes accostent à La Guaira, sur la côte vénézuélienne, en novembre 1852. La beauté des environs les incitent à s’y installer quelques semaines pour capter et dessiner les paysages marins. À la fin du mois de décembre, ils montent à Caracas, qui était alors une petite ville de quelque 40.000 habitants, située au cœur d’une vallée luxuriante.
Tous deux s’installent dans une grosse maison du centre, où ils établissent leur atelier. Fritz Melbye prend soin d’annoncer son arrivée dans les journaux locaux, offrant ses services pour réaliser paysages et portraits. Peu fortunés, les deux amis doivent en effet vendre quelques-unes de leurs œuvres pour pouvoir payer le loyer et la nourriture.
À l’intérieur du pays
Alors que Pissarro passe le reste de son séjour à Caracas, Fritz Melbye s’aventure à l’intérieur du pays : à San Juan de los Morros, dans les Llanos et une nouvelle fois à La Guaira. En août 1854, Camille Pissarro retourne seul à Saint-Thomas, tandis que Fritz Melbye se rend à nouveau dans les Llanos. Il reste au Venezuela jusqu’en 1856. Les deux amis se retrouvent quelque temps plus tard à Paris, où Anton Melbye, le frère de Fritz, peintre lui aussi, avait installé son atelier.
Chacun suit alors son destin. Camille Pissarro devient le grand peintre que l’on connaît. Fritz Melbye continue de voyager, aux États-Unis d’abord, puis au Japon et en Chine. C’est dans ce dernier pays, à Shanghai, qu’il meurt en 1869, à l’âge de 43 ans.
Dessin sur le vif
Fritz Melbye a d’abord peint des marines, qu’il réalisait dans la tradition familiale que lui avait enseignée son frère aîné Anton. Mais il s’orienta très vite vers le paysage et les scènes rurales. Son départ du Danemark pour Saint-Thomas, en 1849, répondait à cette recherche de l’exotisme et de la lumière tropicale. Ses voyages au Venezuela achevèrent de l’orienter dans cette voie réaliste et naturaliste, quelquefois empreinte d’un certain romantisme.
Camille Pissarro apprit beaucoup de Fritz Melbye, en particulier le dessin sur le vif, en pleine nature. Fritz Melbye était en effet de ces peintres voyageurs qui considéraient essentiel de capter directement les atmosphères des lieux. Aussi passait-il le plus clair de son temps à chercher les endroits idéaux pour peindre un paysage ou une scène quotidienne. Une fois fixé sur le l’endroit, il effectuait un croquis au crayon, notant soigneusement les couleurs. Le soir, à la lueur des bougies, il faisait le dessin définitif et quelquefois lui appliquait les couleurs. Le jeune Pissarro suivait assidument les traces de son professeur. Certains de leurs travaux étaient si semblables qu’il était difficile de savoir qui en était l’auteur.
En guise d’illustration, voici quelques œuvres réalisées par Fritz Melbye durant ses séjours au Venezuela.