Émotion au Venezuela : le pays va avoir pour la première fois un pilote dans la catégorie reine des courses automobiles : la Formule 1. Il s’agit de Pastor Maldonado, qui n’est pas tout à fait un inconnu, puisqu’il a remporté en 2010 le championnat de la catégorie GP2, porte d’entrée traditionnelle pour accéder à la F1.
En décembre dernier, Pastor Maldonado a été engagé par l’écurie Williams –rien de moins– au sein de laquelle il courra aux côtés du Brésilien Rubens Barrichello. Une très belle promotion due bien entendu aux qualités intrinsèques du pilote, mais aussi au pactole qu’il apportait avec lui. En effet, déjà en GP2, le pilote était sponsorisé par PDVSA, la compagnie pétrolière nationale du Venezuela. Le contrat a été reconduit et amplifié avec Williams pour la saison de Formule 1. On parle d’un apport à l’écurie de la coquette somme de 15 millions de dollars par an. Devant cette perspective, Williams n’a fait ni une ni deux, donnant sa préférence au pilote vénézuélien face à l’allemand Nico Hülkenberg, qui fut coéquipier de Barrichello en 2010.
L’épisode illustre deux tendances qui se manifestent de plus en plus dans le monde de la Formule 1 : que les compagnies pétrolières remplacent de plus en plus les cigarettiers comme commanditaires principaux des écuries ; et que, pour deux pilotes de qualité égale, le fait d’apporter un sponsor important à une écurie fait toute la différence.
Rôle moteur
Le gouvernement vénézuélien n’est évidemment pas resté éloigné de cette opération. On peut supposer qu’il a même joué un rôle moteur –c’est le cas de le dire– dans la signature du contrat entre Williams et PDVSA. Quel magnifique cadeau s’offrait ainsi à lui ! La perspective de voir les logos de PDVSA et du Venezuela figurer sur les voitures Williams et les uniformes des pilotes, tourner sur tous les circuits du monde et apparaître sur des dizaines de millions d’écrans de télévision, ne pouvait pas laisser insensible une personnalité comme Hugo Chávez, toujours friand de projection internationale.
Sur le plan intérieur, l’occasion était trop belle pour ne pas en profiter également. Une grande opération a été organisée à Caracas ce 14 janvier : une démonstration de Pastor Maldonado au volant de sa Williams sur le Paseo Los Próceres, un boulevard aux fortes connotations patriotiques. Hugo Chávez et ses ministres se trouvaient bien entendu aux premières loges. Plus de 20.000 personnes ont assisté à la démonstration, retransmise en direct à la télévision.
Le nom de l’opération ? Venezuela a toda revolución. Plutôt bien trouvé, pour jouer sur le double sens du mot revolución en espagnol : le moteur à explosion tourne (fait des révolutions) et le Venezuela se trouve en révolution ! De quoi faire coïncider –pour un jour tout au moins– les nombreux amateurs de sports mécaniques et les non moins nombreux partisans de Chávez, en jouant de surcroît sur la corde du patriotisme et de la fierté nationale. Pastor Maldonado et l’écurie Williams ont parfaitement joué le jeu au cours de cette grande fête populaire, qui se présentait comme une sorte de déclinaison contemporaine du fameux panem et circenses cher aux Romains.
J’entends déjà les grincheux dire que la Formule 1 n’a pas grand chose à voir avec le socialisme. Ils ont raison. Mais le chavisme n’en est pas à une contradiction près… Exalter la fierté nationale vaut bien cette petite entorse idéologique.
Si la Formule 1 en raison de son modèle économique n’a vraiment rien à voir avec le socialisme, la promotion du pays (et par voie de conséquence du processus bolivarien, de la « révolution ») à travers le sport n’est pas une nouveauté vénézuélienne.
Tous les régimes « révolutionnaires » ont cherché à promouvoir le pays via de grandes réussites sportives.