Mes pérégrinations professionnelles m’amènent à entrer en contact avec des communautés indiennes (amérindiennes, autochtones, appelez-les comme vous voulez) vivant au Venezuela.
À chaque fois, c’est la même question qui surgit : que pensent-ils de moi, de nous? Pourquoi me regardent-ils « comme ça » ? Qu’y a-t-il donc au fond de ces regards ? De ces regards qui semblent à la fois vides (d’expression ?) et pleins (de ressentiments ?).
On a beau dire, on a beau faire, c’est la gêne qui dans ces circonstances prédomine toujours chez moi. Serait-ce la fameuse culpabilité de l’homme blanc qui me taraude ? Serait-ce l’effet du poids incommensurable de 500 ans de drames infligés par mes supposés ancêtres aux habitants du lieu ? Je n’en suis pas certain. Après tout, je sais -et ils savent aussi- que je n’y suis pour rien. Les regards, pourtant, restent de marbre, continuent à peser lourdement sur l’atmosphère.
Je ne crois pas à l’accusation qu’ils pourraient me faire, je ne crois pas à la culpabilité que je pourrais ressentir. Ces regards-là (et le mien aussi sans doute), s’ils expriment quelque chose, c’est bien l’incompréhension. L’incompréhension entre deux mondes qui se côtoient et ne se sont pas choisis. Deux mondes qui se partagent maintenant, forcément, les mêmes terres. Mais deux mondes qui se trouvent aussi aux antipodes l’un de l’autre : l’un est profondément matériel, matérialiste, tandis que l’autre est spirituel ; l’un est entreprenant, conquérant, tandis que l’autre est contemplatif ; l’un est pressé, stressé, tandis que l’autre laisse courir le temps.
Nous sommes en présence de deux Weltanschauung (conceptions du monde, pour parler français) qui ont le plus grand mal à coexister. C’est le choc des cultures le plus radical qui soit. Comme s’il y avait deux mondes, le leur et le mien. Et comme si ces deux mondes étaient faits pour ne jamais se comprendre. Ni se rencontrer vraiment.
Jean-Luc
Ta culpabilité est tout à fait légitime, même si tu n’es pour rien. Par contre, le fait, de la resentir de la façon comme tu l’écris, c’est déjà extraordinaire et beau à la fois.
Excelent article !
María Alejandra, culpabilité je n’ai pas, justement (à moins qu’enfouie très loin dans mon subconscient). Je ressens de l’incompréhension (mutuelle). C’est sans doute pire encore.
J’ai une idée: si tu apprenais à jongler, les enfants au moins te regarderaient autrement / quant aux adultes, chante leur une chanson en wallon et essaie d’apprendre a siffler des mélodies de la région. La glace fondrait un peu je pense…
Jean-Luc,
Pourquoi de l’incompréhension ? il faut juste connaître et comprendre leur histoire.
Ils ne connaissent que la vie qu’ils sont eu, avec ce héritage, qu’ils n’ont pas choisi non plus, alors, il faut juste essayer de regarder leur intérieur
Approche-toi comme si tu étais un parmi eux,ça peut prendre des jours même des semaines ou des mois. Partage les choses à la mesure de ce que tu peux, à ce moment là, laisse tomber ton appareil
Bises
Maria
Maria, je crois que quelque part il restera toujours un mur. Demandons aux anthropologues qui ont vécu des mois ou des années auprès des autochtones…
Merci, Cecette, j’essaierai la prochaine fois, promis !