
Hugo Chávez (1954-), La luna de Yare, 1993
Bon, ce n’est pas une œuvre immortelle, mais elle est signée (en bas à droite) par quelqu’un qui n’est pas tout à fait un inconnu : Hugo Chávez en personne!
Notre président l’a peinte en 1993, alors qu’il était emprisonné pour sa tentative de coup d’État contre le gouvernement de Carlos Andrés Pérez. La prison dans laquelle il se trouvait était située à Yare, une petite localité non loin de Caracas, d’où le titre de l’œuvre : La luna de Yare. Comme tout bon prisonnier, les heures devaient lui paraître longues. Ce soir-là, il s’est mis à peindre le seul paysage qu’il pouvait apercevoir : celui qui filtrait à travers les barreaux de la cellule.
Le résultat est plutôt naïf et maladroit. Mais heureusement, la lune était rouge! Elle vient colorer un tableau plutôt tristounet. Rouge, couleur prémonitoire pour ce petit lieutenant-colonel à l’époque déjà adulé des foules, resté populaire tout au long de son emprisonnement, et qui allait plus tard se lancer dans l’arène politique pour devenir ce que l’on sait.
Grosse surprise
En septembre 2008, quinze ans après avoir peint ce tableau glauque, Hugo Chávez en fait don à son parti, le PSUV (Partido Socialista Unido de Venezuela), afin qu’il le mette aux enchères lors d’un dîner de collecte de fonds organisé dans un hôtel de Caracas (les élections approchent…). Et alors, grosse surprise : le tableau, mis à prix à 30.000 Bs. F. [environ 10.000 euros], atteint la somme extravagante de 550.000 Bs. F. [environ 175.000 euros]. Plus de 40 personnes prennent part aux enchères. C’est finalement un entrepreneur local, Bakhos Antoun, aidé de ses deux amis Alfonso Canán et Jesús Salazar, qui acquiert l’œuvre à ce prix pour le moins étonnant.
Étonnant, parce que les œuvres des peintres vénézuéliens les plus renommés (Armando Reverón, Jesús Soto, Carlos Cruz Díez, Héctor Poleo, Manuel Cabré, etc.) atteignent rarement un tel sommet : internationalement, elles sont cotées en général entre 35.000 et 200.000 euros.
Voilà donc une belle occasion de se poser la question : à quoi tient la valeur marchande d’une œuvre? Début de réponse : sans doute plus à la signature qu’à l’esthétique! Pour vous en assurer, je vous propose une petite galerie d’œuvres des artistes vénézuéliens cités plus haut. Vous comparerez.

Armando Reverón (1889-1954), "Light behind my arbor", 1926

Jesús Soto (1923-2005)

Carlos Cruz Díez (1923-)

Hector Poleo (1918-1989), Familia andina, 1944

Manuel Cabré (1890-1984), Vista del valle de Caracas desde el Calvario, 1927