Le hasard a fait que je suis tombé dernièrement sur deux articles semblables, mais inversés : le premier parle des Vénézuéliens résidant en France, le second des Français résidant au Venezuela. L’occasion de voir comment se croisent des destins de part et d’autre de l’Atlantique.
Destins croisés ? Destins inversés, plutôt, puisque chacun va chercher ailleurs ce qu’il n’a pas chez lui. C’est parfois confondant.
Les Vénézuéliens en France
Voyons d’abord les Vénézuéliens en France. L’article a été écrit à l’occasion de l’élection présidentielle du 7 octobre 2012, qu’a remportée Hugo Chávez (je corrige les fautes d’ortographe qui abondent dans l’original !) :
En France, la communauté vénézuélienne, c’est l’équivalent d’un village : 3 000 personnes d’après le consulat. Sur 1250 votes exprimés, Capriles [candidat de l’opposition] remporte 1087 voix. Chávez : 132. Des chiffres issus de l’antenne de la MUD [Mesa de la Unidad Democrática, opposition] en France. Ni le Conseil National Electoral, ni l’ambassade n’ont, pour leur part, diffusé de données officielles sur le vote parisien. Le nombre d’inscrits sur les registres de l’ambassade du Venezuela a plus que doublé depuis la dernière présidentielle. « Jusqu’en 2010, 666 Vénézuéliens apparaissaient sur les listes électorales, cette année on en comptabilisait 1585 », explique Emilda, enseignante en France depuis 1984. En tant que membre fondateur de l’association Pour le dialogue Venezuela-France, elle explique qu’en 2011, cette structure « s’est ralliée à l’organisation politique, la MUD, dans le but de préparer les primaires de l’opposition vénézuélienne. » Association qui s’est fortement mobilisée lors de la campagne électorale parisienne.
La fuite du gouvernement chaviste représente-t-elle l’un des principaaux facteurs de l’exil des Vénézuéliens en France ? Nombreux sont ceux qui déclarent avoir quitté leur pays natal pour fuir la révolution bolivarienne. Après enquête, on s’aperçoit que ces Vénézuéliens anti-chavistes vivent en France depuis plusieurs décennies …bien avant l’accession de Chávez au pouvoir. L’émigration des Vénézuéliens en France s’explique par la capacité à être mobile, l’instruction et le pouvoir économique de chacun. Ce qui explique que 90 % des Vénézueliens de France votent à droite. Etudiants-chercheurs, enseignant, architecte, ingénieurs, artiste et fonctionnaire : voici la palette de Vénézuéliens que j’ai pu rencontrer à Paris. Au restaurant de l’avenue Victor Hugo, à l’heure du déjeuner le 7 octobre. Devant le consulat du Vénézuela, dans les bibliothèques, et dans la rue du 16e arrondissement.
Certains Vénézuéliens, une petite minorité, rentrent au Venezuela pour contribuer au développement de leur pays natal. Alfredo prépare une thèse en télécommunication. S’il a choisi Paris, c’est pour acquérir les compétences adéquates à l’essor de son pays. « Dès ma thèse soutenue, je m’envole pour Caracas retrouver les miens et contribuer à la croissance du Venezuela ». L’année prochaine c’est sa compagne française qui devra s’arracher à ses racines.
« Il n’existe pas de données statistiques officielles par catégories socio-professionnelles de l’émigration des Vénézuéliens en France », explique Adeline Joffres, présidente du GEIVEN [Groupe d’études interdisciplinaire sur le Venezuela]. « Ce que l’on observe tout de même, c’est que l’émigration intellectuelle apparaît comme l’une des raisons premières de l’expatriation des Vénézuéliens en France ». L’EHESS [École des hautes études en sciences sociales], Paris-3, Paris-1, et Paris-8 : toutes ces universités accueillent masterants et doctorants, vénézuéliens ou passionnés du Venezuela.
L’appartenance politique conditionne la vie au Venezuela. Le clivage dépasse les frontières. Même si la communauté vénézuélienne ne représente qu’une infime part de la population en France, soit 0,005 % , pro et anti-Chávez mettent en place respectivement des actions bien identifiées. « Le camp de l’opposition a été relativement visible à l’image des partisans de Chávez d’ailleurs », constate Adeline Joffres. Côté gouvernement, c’est le Front de Gauche qui a organisé à l’Usine, aux Lilas, la soirée électorale de l’élection présidentielle du Venezuela. Des personnalités sud-américaines y ont participé. D’un bord comme de l’autre, la communauté vénézuélienne en France se mobilise politiquement.
Rien de bien neuf dans cette information. On apprend que les Vénézuéliens en France proviennent essentiellement de familles aisées, qui seules ont les moyens de quitter le pays. Il n’est donc guère étonnant que, conditionnés par leur origine sociale et influencés par ce que les médias dominants rapportent sur le Venezuela, ils votent à 90 % contre Chávez. On retrouve le même schéma dans toute l’émigration vénézuélienne, qui, coupée de son pays, tend à dramatiser outre-mesure ce qui se passe sur place.
Ce qui caractérise plutôt les Vénézuéliens vivant en France (et plus généralement en Europe), c’est que ce sont essentiellement des intellectuels, essentiellement des étudiants qui, une fois leurs études terminées, choisissent de rester en France. Pour trouver des hommes d’affaires, des entrepreneurs, ou même des cadres supérieurs, dirigez-vous plutôt vers les États-Unis ou le Canada. Et pour trouver des commerçants, allez de préférence en Colombie et à Panama !
Les Français au Venezuela
C’est un article de Rue89 qui nous met sur la piste des Français au Venezuela, ou plus exactement de ces Français pro-Chávez qui ont fait le grand saut transatlantique pour vivre de près la révolution bolivarienne. L’auteur de l’article, Meriem Laribi, a choisi de donner la parole à quatre d’entre eux.
Le plus connu de ces aventuriers est Romain Migus, sociologue, journaliste, et auteur d’un ouvrage récent, cité et utilisé par Chávez lui-même, dans lequel il analyse le programme de l’opposition. Militant du Parti de Gauche, il n’est pas dupe :
J’ai d’abord vécu une lune de miel avec la révolution bolivarienne. Puis, face à tout ce qui fonctionnait pas (la bureaucratie, la corruption, les lenteurs…), je me suis dit que j’avais deux choix : critiquer de façon destructrice, prendre mes valises et m’en aller, ou bien m’insérer pour utiliser ces critiques de façon constructive et se casser la tête afin de devenir un véritable acteur politique.
Il a donc choisi de rester. On trouvera ses articles sur des sites militants, tel que Mémoire des luttes, Le Grand Soir et Réseau Voltaire. Son ouvrage, El programa de la MUD (en espagnol), est également disponible pour téléchargement.
Arnaud Rubi est également sociologue. Mais il est aussi réalisateur de documentaires, spécialiste en coaching et même formateur de cadres politiques. Il explique ainsi sa perception du processus bolivarien au Venezuela :
Pour une fois, j’étais d’accord avec les dirigeants du pays, chose qui ne m’était jamais arrivée en France. Enfin, l’effort intellectuel n’était plus, comme en France, de savoir comment on allait faire pour éviter qu’une loi soit appliquée, mais plutôt comment notre discours et nos valeurs doivent se matérialiser dans des faits concrets. Je me suis senti au cœur de l’histoire et je me suis dit : il faut que je reste. Je pensais passer ici deux ou trois mois, et finalement je suis là depuis huit ans.
Muriel Knezek, journaliste, a choisi, elle, la province. Soucieuse de conserver la tranquillité, elle a quitté Caracas pour s’installer dans l’état de Sucre, à l’extrême est du pays :
J’habite un des Etats les plus pauvres du Venezuela. Cette approche régionale m’a permis de prendre un peu de distance vis-à-vis de cette belle idée initiée par le président Chavez et la réalité au quotidien.
Je continue à soutenir à 150% ce qui se passe ici, mais il y a des manquements et des difficultés qu’on ne peut pas nier. J’ai par exemple constamment des coupures d’électricité, alors qu’à 500 km d’ici, il y a le troisième plus grand barrage d’hydro-électricité du monde.
En revanche, il y a des choses géniales ici. Vous allez dans n’importe quel village, aussi paumé soit-il, vous y trouverez toujours une école. Et on ne se demande pas si le salaire du professeur est rentable ou non.
Enfin, Jean Araud est arrivé il y a quarante ans au Venezuela. C,est donc un vieux de la vieille. À l’arrivée de Chávez au pouvoir, il s’est intégré au processus révolutionnaire et travaille maintenant pour le ministère de la Femme. il y coordonne un travail de lutte contre la désinformation que les grands médias internationaux véhiculent dès que l’on a affaire au Venezuela.
Je suis très favorable à la figure de l’opposition en soi. Quand elle est politique, elle permet un débat constructif et sert à signaler aux dirigeants leurs erreurs. Au Venezuela, les opposants n’ont rien de cela. Leur seul objectif est de démettre Chávez, quels que soient les moyens. Un prêtre de leur camp a même déclaré qu’il “bénissait le cancer de Chávez”. Ils sont d’une violence inouïe !
Ce ne sont bien sûr que quatre français pro-Chávez parmi d’autres. J’en connais plusieurs de la même trempe : des militants, des passionnés, des idéalistes, mais aussi des déçus. Ils forment un petit microcosme qui est souvent plus révélateur du malaise en Europe que de l’espoir en Amérique latine.
D’une certaine façon, leurs destins sont inversés par rapport à ceux des Vénézuéliens en France. Point commun cependant : les uns et les autres ont traversé l’Atlantique en espérant trouver ailleurs leur paradis.
Les vrais expats
Ces quatre pro-Chávez ne résument évidemment pas l’ensemble des Français qui se trouvent au Venezuela. Il y a aussi de vrais expats qui travaillent pour les grandes entreprises françaises installées dans le pays, en premier lieu Total, Schlumberger et… L’Oréal ! –beauté vénézuélienne oblige. Sans compter le personnel de l’ambassade, de l’école et du lycée français ainsi que des Alliances françaises.
Et puis il y a les Français qui sont venus du temps de la « Venezuela saoudite », époque faste, antérieure à 1983, où les salaires locaux équivalaient à ceux d’Amérique du Nord ou d’Europe, pour un rythme de travail plutôt moindre et un climat béni des dieux. Beaucoup de ceux-là, confortablement installés avec leur famille, sont restés au Venezuela.
Parmi ces derniers groupes, les pro-Chávez se comptent sur les doigts d’une main (j’exagère…). À titre indicatif, voyez les résultats du vote au deuxième tour de l’élection présidentielle française au bureau de Caracas : Nicolas Sarkozy a recueilli 665 votes (71,8 %) contre 261 pour François Hollande (28,2 %). (Consultez aussi les résultats du premier tour, qui sont intéressants aussi).
Il est à peu près certain que si les Français du Venezuela devaient voter aux élections vénézuéliennes (certains ayant la double nationalité votent réellement), l’opposition ferait mieux que Nicolas Sarkozy et Hugo Chávez ferait moins bien que François Hollande !
Bizarre, je ne me reconnais dans aucune catégorie d’expatriés au venezuela. J’ai beau chercher mais je ne colle nulle part. Pareil pour mon pote Jean Claude. Et Jérémy non plus d’ailleurs. Dommage, il manque les gens qui n’en ont finalement rien à cirer de la politique et ont un projet de vie au coeur du venezuela, chaviste ou capriliste. Entre guate-mala et guate-peor…
Ah, tu échappes aux statistiques ? Tant mieux !
Bonjour,
Notre posada va fêter ses 20 années d’existence en décembre prochain, parfaitement entretenue et offrant un service de qualité ainsi qu’une gastronomie de haut niveau, elle représente une option de tranquillité et repos pour les expatriés Belges du Venezuela.
Nous vous prions de bien vouloir visiter nos sites internet où vous trouverez toutes les informations a jours.
http://www.medregalvillage.com ou http://www.hotel-marina-venezuela.com
Concernant la gastronomie
http://www.medregalvillage.com/MEDREGAL/Gastro%20Es.htm ou http://www. hotel-marina-venezuela.com/MEDREGAL/Gastro%20Es.htm
Dans cette attente,
Veuillez recevoir nos meilleurs amitiés.
Jean-Marc Plessy
Allez, un peu de pub… Mais je suppose que les expatriés non-belges sont également bienvenus 😉
La pub en principe vise à attirer le maximum de badauds.
Là il semblerait pourtant que cette posada s’adresse exclusivement à Jean-Luc car je ne connais qu’un seul expatrié belge au Venezuela .
Il est vrai qu’il a mérité du repos après toutes ses activités dont ce blog.
Est-ce que cette posada se serait spécialisée en frites (de haut niveau) et bière ( aussi de haute qualité ) ?
Si jamais Jean-Luc ouvre aussi sa posada pour Belges expatriés , il y aura bientôt plus de posadas que de clients .
Je vais jeter quand même un oeil mais je n’ai pas de quoi m’expatrier … enfin pas les moyens .
Eh mais ça n’a pas l’air très cher .. surtout pour un coin de paradis ..
C’est intéressent de lire les tendances « officielles » sur les vénézuéliens vivant en France. Contactant personnellement certains artistes, essentiellement musiciens pour mon programme dédié à la musique vénézuélienne, je n’ai pas du tout la même analyse. Comme quoi …..
Les statistiques électorales ne prennent en compte que ceux qui ont voté, soit de 25 à 30 % des résidents. Ceux dont tu parles se trouvent sans doute dans les 70 ou 75 % restants… Le problème des statistiques, c’est qu’elles ne sont que des statistiques et laissent bien des individualités de côté.
Pendant une seconde , j’ai cru que sur la photo ils fêtaient la victoire de Chavez .
Bon , pas étonnant que je connaisse aucun Vénézuélien en France.
J’ai pu remarquer sur le blog « vu de 7619km la totale maîtrise du français alliée à un anti-chavezisme virulent .
A l’inverse , la sociologie des Latinos que je connais est mixte :
– de nombreux Colombiens pour partie étonnamment de milieu modeste , maîtrisant parfois mal le Français , occupant des emplois précaires , pour partie de milieu intellectuel et résolument à gauche , tous solidaires .
La perception et la description de ce qui passe au pays est inversée aussi : très peu de moyens de faire connaître ce que vit la Colombie , le conflit armé , la spoliation des terres : j’en déduis que l’écho qui est donné à la parole des émigrés est très inféodé à l’idéologie dominante ici , car les Vénézuéliens de France ont le même antichavezisme primaire que nis médias ; or que se passe-t-il au Venezuela ? Certainement pas le drame colombien .Mais on parle bien plus de Chavez et en mal que de ce que subissent les Colombiens , des crimes – y compris ceux fomentés par les milices des compagnies pétrolières françaises – et même des perspectives de paix auxquelles ils aspirent ; il est vrai qu’on ne parle surtout pas de l’ALE Colombie-UE , aveugle à tous les crimes .
On organise des conférences , mais le cercle atteint reste confiné . Et ce qui s’y dit n’a rien de la diatribe haineuse : ce sont des propos argumentés , mesurés , réfléchis mais à ceux-là on ne donne aucun écho .
c’est très important de voir qu’un nombre très important vit au Venezuela. Des statistiques faites par des chercheurs le montrent. »C’est un article de Rue89 qui nous met sur la piste des Français au Venezuela, ou plus exactement de ces Français pro-Chávez qui ont fait le grand saut transatlantique pour vivre de près la révolution bolivarienne. L’auteur de l’article, Meriem Laribi, a choisi de donner la parole à quatre d’entre eux. »
A propos de destins inversés , on peut évoquer aussi celui des PS : le PSOE , le PS et les PS européens sont membres de l’IE et sont opposés à Chavez et aux processus progressistes à l’oeuvre en Amérique latine : même Allende qui fonda la PS chilien ne l’intégra pas à cette internationale . Le PSOE réclame des sanctions contre l’Argentine au sujet de Repsol , conseille Capriles contre Chavez ( voir El Païs et son faux ) .
Il y a donc une opposition radicale entre les PS des 2 côtés de l’Atlantique .
Les uns prônent l’austérité , sabordent les services publics ( 35 000 postes supprimés dans la Santé en France en 2013 et 2014 ) , les autres font le choix inverse les peuples s’en portent mieux et même l’économie …
Les destins électoraux vont sans doute aussi s’en trouvé inversés : il m’étonnerait fort qu’un Hollande ait un score à la Chavez ou à la Correia ( autre style mais politique soeur) !