Etonnant/Insolite/Séduisant/Sexuel

L’empire de la petite culotte

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Par un mystère dont l’espagnol parlé au Venezuela (et en Colombie) a le secret, on appelle ici blumer la petite culotte féminine. Il s’agit probablement d’une adaptation locale de l’anglais bloomer, qui désigne une culotte bouffante. Cela dit, le blumer national n’a rien de bouffant.  La mode aidant, il serait plutôt, par les temps qui courent, moulant et string.

Bizarrement, il existe un autre mot vénézuélien, volontiers utilisé dans le langage quotidien, pour désigner le même objet : pantaleta. Mais ce dernier, plus familier, semble inconvenant pour le langage commercial. C’est donc uniformément le mot blumer qui est utilisé pour nommer les boutiques spécialisées en lingerie féminine.

Blumer par ci, blumer par là

C’est ainsi que fleurissent dans les villes vénézuéliennes des magasins dont le nom décline à l’infini le mot blumer : El Imperio del Blumer, El Universo del Blumer, El Palacio del Blumer, El Castillo del Blumer, El Templo del Blumer, La Moda del Blumer, Mega Blumer, etc. (voir photos ci-dessus). En français, cela donnerait : L’Empire de la petite culotte, L’Univers de la petite culotte, Le Palace de la petite culotte, Le Château de la petite culotte, Le Temple de la petite culotte. La Mode de la petite culotte, Méga petite culotte). Et encore, je ne cite que les magasins que j’ai pu identifier dans un périmètre de trois blocs sur deux dans le centre-ville de Mérida, la petite ville de 300.000 habitants où je vis. Imaginez ce que doit être la débauche de créativité pour nommer de tels magasins dans une ville comme Caracas !

Dans ces boutiques au nom improbable, on vend non seulement des petites culottes féminines, mais encore toutes les pièces de lingerie féminine, du haut comme du bas, et même des sous-vêtements masculins. Dans certaines, cela va jusqu’aux bas et chaussettes. Mais c’est le blumer qui reste leur dénominateur commun.

Gourmandise corporelle

Reliés par le terme blumer qui figure dans leur dénomination, ces magasins forment ainsi une sorte de chaîne sémantique, à défaut d’être une chaîne commerciale. Mais ils ont un autre point en commun : 90 % des vêtements qu’ils vendent sont fabriqués en Colombie. Rien d’exceptionnel à cela, si l’on sait que les Colombiens sont passés maîtres dans la confection de lingerie féminine, n’hésitant pas, au passage, à copier les modèles des grandes maisons européennes. Il est donc normal que les fabricants colombiens exportent en masse vers le pays voisin, dont la gent féminine est particulièrement friande de ces petites gourmandises corporelles.

De là à s’appuyer sur les Colombiens vivant au Venezuela pour créer localement des boutiques, puis à former pratiquement des franchises, il n’y a qu’un pas, vite réalisé. En quelques années, les boutiques se sont donc multipliées comme des petits pains. Elles se comptent maintenant par dizaines dans toute ville vénézuélienne qui se respecte.

Commerce florissant

Il faut dire que l’industrie colombienne de la confection féminine a trouvé ici un marché tout à fait mirobolant : lorsque la beauté féminine est élevée au rang de valeur nationale, il est normal que le commerce de la lingerie soit particulièrement florissant et que la consommation de dessous féminins soit extrêmement dynamique, quelle que soit d’ailleurs la classe sociale.

Car, que l’on se s’y trompe pas : les magasins de blumers s’adressent à une clientèle populaire, trop contente de trouver dans ces boutiques des pièces à très bon prix, qui rivalisent en variété, coupe et couleurs avec les plus grandes marques. Pour un faible coût, cette clientèle se paie ainsi le chic de pouvoir participer au grand jeu de la séduction à armes (presque) égales avec les riches.

En établissant ainsi son « empire » commercial dans les villes vénézuéliennes, le blumer s’est mis, pourrait-on dire, au service de l’ascension sociale à laquelle aspirent, consciemment ou inconsciemment, tous les Vénézuéliens : la petite culotte comme outil de démocratisation, en quelque sorte…

5 réflexions sur “L’empire de la petite culotte

  1. N’oublions pas le « mata pasiones » (tue les passions), ni l’ « hilo dental » (le fil dentaire) qui désigne… le string.

  2. Désopilante et instructive, cette histoire de Blumer… ça évoque un peu ces boutiques de province au nom évocateur comme « au chic moderne (ou parisien) » dont l’enseigne date des années 20 et le stock aussi. Enfin je sais quoi rapporter comme souvenir affriolant le jour venu .

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