On vit une époque formidable ! Ce n’est pas Reiser qui le dit, c’est moi. Cette semaine, nous venons de vivre en temps réel le passage d’une économie de libre marché à une économie dirigée. Et c’est hallucinant !
L’histoire a commencé le vendredi 8 novembre lorsque le président Maduro, dans un discours télévisé, a ordonné l’occupation des locaux de Daka, une chaîne de distribution d’électroménagers, et la mise à la vente à prix réduit de tous les produits qui s’y trouvaient. « Il ne doit rien rester sur les étagères », a-t-il ajouté.
C’était la réponse du gouvernement à ce qu’il appelle la « guerre économique » à laquelle est soumise le pays. Les commerçants sont soupçonnés de spéculer sur le dollar : ils importeraient leurs marchandises au taux du dollar officiel pour les vendre ensuite au taux du dollar parallèle, près de dix fois (!) plus élevé. Pour le gouvernement, ce comportement antinational serait la source de l’inflation record que connaît le pays. (Soit dit en passant, il s’agit là d’une explication totalement erronée de ce qu’est le mécanisme de l’inflation, mais elle est largement suffisante pour une population peu cultivée sur le plan économique).
Les commerçants répliquent qu’ils n’ont que très marginalement accès au dollar officiel, doivent donc faire appel au marché parallèle et qu’ils ne font que suivre la loi de l’offre et la demande. Ils ajoutent qu’au moment de fixer leurs prix, ils doivent anticiper sur le cours futur du dollar s’ils veulent maintenir leurs stocks. En un mot, une belle leçon de libéralisme.
On pourrait discuter longtemps pour savoir qui a raison et qui a tort dans ce débat de sourds. Plus que certainement, les deux phénomènes –spéculation et offre limitée de dollars– se conjuguent pour produire des distorsions énormes et ce qu’il faut bien appeler le chaos économique total que connaît le pays.
Effets immédiats
L’appel de Maduro à une baisse obligée des prix chez Daka a eu des effets immédiats. Des files immenses se sont aussitôt formées devant les magasins de la chaîne. C’était la pression populaire que le gouvernement recherchait. Dans bien des cas, l’échauffement des esprits était tel que des débordements n’ont pu être évités. Ici et là, des pillages ont eu lieu, comme à Valencia, le 9 novembre. La presse internationale en a fait largement écho. Ce que l’on sait moins, c’est que des citoyens se sont opposés au pillage allant jusqu’à détruire sur place les téléviseurs et autres appareils volés, comme l’illustre cette vidéo :
Dans les jours qui suivent, les scènes de ventes au rabais se sont multipliées dans l’ensemble du pays : dans le secteur de l’électroménager d’abord, puis se sont étendus à d’autres commerces. Le peuple, globalement (y compris certains opposants), est satisfait : à l’avant-veille de Noël, il peut se procurer des articles à un prix jugé plus raisonnable (quoique toujours élevé pour les secteurs les plus pauvres de la population. Comme le montrent les vidéos, c’est la classe moyenne qui a le plus profité de l’aubaine). Le gouvernement est également satisfait : il a fait à moindre coût un cadeau pré-électoral, avant le scrutin du 8 décembre.
La drastique mesure n’est pourtant pas sans effets collatéraux. On a ainsi assisté à des scènes dramatiques au cours desquelles des propriétaires de magasins résistaient et étaient emmenés para les autorités, tandis que leurs employés, pensant à leur avenir, prenaient résolument leur défense. Dérangeant.
Conséquences à moyen et long terme
Une semaine après le début de cette offensive économique gouvernementale sans précédent, on est en droit de se poser des questions sur ses conséquences à moyen et long terme. Il y a fort à parier que de nombreux importateurs et commerçants vont retirer leurs billes du Venezuela, échaudés par la radicalité de la mesure gouvernementale ou tout simplement incapables de soutenir leur entreprise dans des conditions économiques de prix imposés.
On doit donc s’attendre, dans les prochains mois, à des pénuries touchant des produits qui ne sont pas de première nécessité, mais de consommation courante. Cela aura pour effet de multiplier les marchés parallèles, maintenir ou accélérer l’inflation et aggraver encore plus la situation économique générale du pays.
Logiquement, la seule porte de sortie possible pour le gouvernement –et il y pense peut-être– serait de radicaliser encore le processus, en passant d’une économie dirigée à une économie centralisée et planifiée. On a vu à quoi cela menait dans des pays comme l’URSS et Cuba, pour prendre un exemple à portée de main. On a peine à croire que cela fonctionnerait dans un pays comme le Venezuela, dont la bureaucratie est notablement inefficace et de surcroît corrompue, et où il est notoire que le meilleur moyen de calmer la population, c’est précisément de lui assurer un niveau de consommation acceptable.
Ce dernier point, le gouvernement l’a parfaitement compris pour le court terme, d’où la mesure d’obligation de baisse des prix qu’il a prise. Mais il a oublié que dans le moyen ou long terme, cela pourrait se retourner contre lui. Et ce ne sera probablement pas de la petite bière !
Je vous le disais en commençant : on vit une époque formidable !
La comparaison avec Cuba est-elle opérante ?
Le Venezuela subit-il un blocus criminel depuis 1959 par la 1èe puissance mondiale ?
Cuba ne le subirait pas s’il ne représentait pas LA résistance aux USA en Améique latine depuis 1959 .
Je recommande les ouvrages de Salim Lamrani docteur de l’Université et maître de conférence à l’Université de la Réunion , ovuvrage qui analysent la désinformation systématique sur Cuba .ici .
Sur a dislocation de l’URSS ,l’ouvrage avec une bibliographie exhaustive d’un autre historien Roger Keeran , professeur à New York et de son collègue économiste .Thomas Kenny , à mon avis plus fiable et de rigueur plus scientifique que les palabres de journalistes soumis aux patrons de presse .
Cuba, ou URSS, ou le Vietnam, ou Corée du Nord, peu importe : trouve-moi un pays où l’économie planifiée et centralisée a été efficace et n’a produit aucune distorsion néfaste. La Chine, pragmatique, a compris.
La chose est passée inaperçue ici, merci pour les infos. J’avoue que je suis estomaquée par autant de bêtise gouvernementale! Certes, on n’est pas obligé d’être docteur en économie pour diriger un pays, mais il y a des limites. C’est édifiant.
Bel article parfaitement mesuré !!
Notre époque formidable ne fait que commencer à mon avis, comment réussir à estimer une situation à venir, dans un pays où aucun chiffre n’est réel, qu’il vienne de l’opposition, du gouvernement, des entreprises ou de l’international, chaque groupe semble avoir plus à y gagner l’un que l’autre, nous plongeant dans un déluge de contradiction généralisé.
La guerre des sourds est vraiment ce qu’il y a de pire à vivre dans ce pays, aucun secteur n’est épargné…
L’erreur serait, à mon sens, de vouloir comparer ce pays à un autre, la situation de ce pays est unique tant par sa situation géographique (caraïbes), son histoire (bascule politique), sa puissance économique (ressource pétrolière) …
Dans la grande ronde des imbéciles personne ne se lâche la main !
Bien vu!
Les politiques purement libérales , totalement jugées rationnelles menées en Argentine du temps de Carlos Menem et de De la Rua ont tué combien de personnes et ont apporté quel bénéfice , in fine , à l’économie ?
On ,ne parlait pas alors d’imbécillité ni de mesures complètement farfelues .
On a trop tendance à se laisser raisonner suivant la doxa libérale …
Qu’on me cite un seul pays capitaliste dont l’économie est saine , ne se nourrit pas d’exploitation et de la misère des autres . Et alors on pourra peut-être dire que c’est un modèle économique viable que l’économie non dirigée … par la Nation . Car elle est quand même sacrément dirigiste mais c’est le profit d’une poignée qui dirige .
Quant aux succès du socialisme oui il est patent mais évitons les raisonnements idéalistes et binaires . Alphabétiser , apporter la santé et l’éducation , populariser une culture , éradiquer la misère , envers et contre ce qui domine le monde et le hiérarchise , c’est à la fois un projet et un succès .
J’aime le ton mesuré, sans sentiments qui faussent le jugement du lecteur et la véracité du contenu de cet article, on ne peut pas approuver le pillage des magasins…….c’est grave…la trace qui laisse ce genre de comportement dans l’inconscient collectif est une entrave grave dans le chemin d’un peuple à devenir « plus civilisé »….je crains que le parcours soit encore très long pour le Venezuela…..
Uyy Jean-Luc, pareciera q el panita Jean Pierre te esta tomando por « liberal »?, pareciera que haz criticado esta medida del gobierno…
Solo queria decir que esto es una gran publicidad para el gobierno a pocos dias de las elecciones… Si, estoy de acuerdo con que los comerciantes que han especulado paguen… Pero porque el gobierno no hizo algo asi antes?.
La otra cosa es la forma tan brutal con la cual el gobierno ha llamado a que « vacien los anaqueles »…
Triste, muy triste como el pueblo venezolano muestra su ignorancia y esa sed de gastar… Yo creia que los venezolanos habian aprendido algo del discurso « anti-capitalista » de Chavez, pero esta marea de gente gastando dinero demuestra q se esta muy lejos de ese « espejismo » que muchos creen que existe en venezuela: el socialismo del siglo XXI.
Me encanto esta caricatura de Rayma, lo dice todo
no se si aparecera la imagen, pero este es el enlace:
