Rien à voir avec le Petit Livre rouge du président Mao qui fit les beaux jours (façon de parler) de la Chine il y a quelques décennies. Rien à voir non plus avec le Rojo Rojito, la couleur préférée du président Chávez et de ses fidèles. Le livre rouge dont on parle ici fait partie de cette vaste collection publiée internationalement sous l’égide de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dont la mission est de faire l’inventaire mondial des espèces menacées.
Au Venezuela, c’est l’association civile Provita qui est le maître d’œuvre de l’ouvrage, pour la réalisation duquel elle a réuni un grand nombre de spécialistes de la faune du pays. Entreprise gigantesque dans un pays qui se distingue par sa grande biodiversité.
Parlons-en de la biodiversité du pays. Le Venezuela fait partie du club très fermé des pays jouissant d’une « mégadiversité » : seuls 17 pays ont cet honneur sur les quelque 200 que compte la planète (cinq sont latino-américains : le Brésil, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Venezuela). Le Venezuela figure ainsi parmi les dix pays ayant la plus grande diversité biologique de la planète. On y compte approximativement 137.000 espèces connues, dont la plupart n’ont pas encore été totalement identifiées.
Une position biogéographique favorable
La position biogéographique du pays favorise cette mégadiversité : partagé entre les Andes, la cordillère de la Côte, les Llanos, le bouclier guyanais, les zones arides colombo-vénézuéliennes, la mer Caraïbe et l’océan Atlantique, le Venezuela ne compte pas moins de 27 zones climatiques, 650 types de végétation naturelle, 23 formes de relief et 38 grandes unités géologiques : de quoi alimenter cette extrême diversité biologique dont il est question plus haut.
Si l’on s’en tient au règne végétal, le Venezuela compte quelque 15.000 plantes supérieures, dont 9411 dans la seule région guyanaise. Pour ce qui est du règne animal, on compte au Venezuela plus de 4000 espèces de vertébrés, dont 351 mammifères, 1418 oiseaux, 341 reptiles et 315 amphibiens. C’est sans compter plus de 100.ooo invertébrés (dont une grande majorité de coléoptères).
Le Livre rouge de la faune vénézuélienne ne traite évidemment pas de l’ensemble des espèces, mais seulement de celles qui sont menacées, selon les catégories définies par l’UICN. La liste rouge établie en 2008 comprend 748 espèces : 2 disparues au niveau mondial, 2 disparues au niveau régional, 198 menacées à des degrés divers (dont 23 en danger critique d’extinction), 138 quasi menacées et 408 dont les données connues sont insuffisantes. Figurent dans la liste 160 amphibiens, 164 oiseaux, 76 insectes, 128 mammifères, 35 reptiles, 132 poissons et 129 invertébrés.
Les espèces les plus menacées
Voyons quelles sont les espèces les plus menacées, classées par catégorie.
Les deux espèces totalement disparues sont Atelopus vogli (une petite grenouille arlequin endémique de la cordillère centrale du Venezuela) et Lithogenes valencia (un poisson-chat endémique du lac de Valencia).
Les deux espèces disparues dans le pays sont Tapirus pinchaque (tapir des montagnes) et Margarops fuscatus (le moqueur corossol, un oiseau présent dans les Caraïbes).
En situation de danger critique, on trouve :
- trois mammifères : Trichechus manatus (lamantin des Caraïbes), Oryzomys gorgasi (un rat de taille moyenne endémique de la côte de Colombie et du Venezuela) et Odocoileus margaritae (un chevreuil endémique de l’île de Margarita)
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quatre oiseaux : Vultur gryphus (le condor des Andes, qui ne fait plus que des passages épisodiques dans le pays), Carduelis cucullata (chardonneret rouge), Carduelis yarellii (chardonneret de yarell) et Grallaria chtonia, oiseau endémique du parc national de Tamá au Táchira, qui n’a plus été observé depuis de nombreuses années et pourrait avoir disparu.
- cinq reptiles : Dermochelys coriacea (la tortue-luth, une espèce géante non recouverte d’écailles), Eretmochelys imbricata (la tortue imbriquée), Podocnemis expansa (tortue arrau d’eau douce), Crocodylus intermedius (le crocodile de l’Orénoque) et Lepidoblepharis montecanoensis (un gecko terrestre endémique de la péninsule de Paraguaná)
- onze amphibiens, dont 9 appartiennent à l’espèce Atelopus, grenouilles arlequins dont la distribution est très locale.
Je ne citerai pas ici les 59 espèces classées en danger, ni les 116 espèces classées vulnérables. Si vous êtes intéressé, je vous invite plutôt à consulter le Libro Rojo de la Fauna venezolana sur le site de l’association Provita. Si vous cliquez sur Información / Libro Rojo (en bas à droite), vous aurez accès à de larges extraits du Livre rouge, et notamment aux listes par catégories et par ordre alphabétique de toutes les espèces recensées dans l’ouvrage.
(Article publié à l’occasion du Sommet international sur la biodiversité qui rassemble 193 États à Nagoya au Japon du 18 au 28 octobre 2010.)