Cela fait longtemps que je m’intéresse aux peintures murales, graffiti et autres tags qui ornent les murs de nos villes et même villages. Il y a dans cet art brut et sauvage une urgence qui lui confère une aura toute spéciale. Le fait que ces gribouillis soient par définition éphémères ajoute encore à l’attrait qu’ils exercent sur moi.
Exposés aux yeux de tous, dans la rue, sans autorisation, ils sont une sorte d’anti-musée. Le musée est le lieu (mort) de la mémoire, la rue est le lieu (vivant) du « ici et maintenant ». Tags et graffiti n’ont que la prétention d’être, et non de continuer à être. Les peintures murales, elles, visent un peu plus loin, mais tout de même pas à l’éternité.
Les déjouer
Seulement voilà, on peut les déjouer. Les photographier permet, justement, de dépasser ce côté éphémère, et de les imprimer dans le temps. Voir une photo de tag, de graffiti ou de peinture murale, c’est se dire : cela a existé et n’existe (sans doute) plus. Voilà qui est d’autant plus fascinant pour nos esprits constamment imprégnés par le temps, cette abstraction volatile qui définit jusqu’au plus inutiles de nos gestes.
Au fil de mes déambulations de par le monde, je m’amuse donc à les photographier, jouant ainsi avec le temps : une sorte de pied de nez à l’éphémère, cette notion fascinante, mais aussi terriblement gênante. Pour preuve : les auteurs eux-mêmes prennent souvent leurs oeuvres en photo, pour les immortaliser (pour « s’immortaliser » eux-mêmes ?). Aah, existence, quand tu nous tiens !
Le talent dans la rue
Au Venezuela, je suis plutôt gâté. Il y a du talent dans la rue. Il y a un goût presqu’inné pour les couleurs. Il y a une habitude de l’inachevé. Il y a aussi un univers politique socialement divisé. Tout cela facilite l’expression libre sur les murs de la ville.
Il en est de contenu politique, idéologique, écologique, social, éducatif, religieux, historique… Mais la peinture murale peut aussi répondre au simple désir d’embellir un mur. Dans ce cas, l’auteur recourt à la représentation de la faune, de la flore, ou utilise tout autre motif décoratif, y compris des formes abstraites destinées à valoriser une superficie. Sans compter les tags proprement dits, qui comptent avec une esthétique universelle, quoique venue du nord. Ici comme ailleurs, cette dernière pratique possède ses adeptes parmi certaine jeunesse qui se sent marginalisée et recourt à cette forme d’expression sauvage, voire agressive.
Esthétique réaliste-socialiste
On pourrait imaginer que dans le Venezuela de Chávez, le message politique domine les murs. Celui-ci est présent, bien entendu, mais il coexiste avec mille autres formes d’expression généralement plus créatives. Car la peinture murale politique reste tributaire d’une esthétique réaliste, pour ne pas dire réaliste-socialiste, qui, sauf exception, réduit ses possibilités créatives et expressives. Le manque d’humour, en particulier, les transforme pratiquement en images d’Épinal du socialisme, reproduction quasi infinie d’images de héros nationaux (Hugo Chávez en tête, bien entendu, mais aussi Simón Bolívar ou Ezequiel Zamora) ou internationaux (ici, l’immortel Che Guevara l’emporte haut la main).
Je vous ai concocté une sélection de peintures murales, graffiti et tags photographiés par mes soins aux quatre coins du Venezuela, mais principalement à Mérida, où je vis :
Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je leur propose de consulter un groupe intitulé Peintures murales et graffiti du Venezuela que j’anime sur Flickr. Là ce sont les fanatiques (et souvent les auteurs eux-mêmes) qui postent les photos. Pêle-mêle, il y en a plus de 600 à cette date et cela ne cesse d’augmenter. Vous pouvez voir les photos du groupe ici ou les visionner une à une sous forme de galerie diapo ci-dessous. Bonnes découvertes et bon amusement !
Article très intéressant et superbe collection de photos … nous aimerions reprendre le lien de cette page sur notre site Free Tag Zone, un inventaire de l’éphémère (page « Quelques liens utiles ».
Merci. Vous pouvez mettre en lien ou même reprendre l’article, il est sous licence Creative Commons by-nc-nd : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/
Subtile analyse de cette écriture et de cet art éphémères, j’ai vraiment beaucoup aimé cet article !
Merci ! C’est aussi un peu votre blog (http://eeddaht.wordpress.com) et celui de GSARA (http://freetagzone.wordpress.com) qui m’ont incité à écrire cet article.
Merci à vous, cher ami collecteur de mémoire … voir la page dédiée dans la section D’ici et d’ailleurs … “Un hommage aux collecteurs de mémoire”
http://freetagzone.wordpress.com/dici-et-dailleurs-la-selection/peintures-murales-tags-et-graffiti-plein-la-vue/
Si vous voyez quelque à ajouter ou à compléter …
Très bien la publication, bonne continuation !
J’aime beaucoup. Peintures murales et venezuela font bon ménage ; http://www.facebook.com/media/set/?set=a.1470781906380.44854.1738592441&type=1
I nominated you for the « One Lovely Blog Award. » Follow the link to accept it! You deserve it! http://freetagzone.wordpress.com/2012/06/08/one-lovely-blog-award-1/
A bientôt. Eric
Merci, gracias, thank you, je ne savais pas mon blog si « lovely »…
Bonjour Jean-Luc,
J’ai mis en valeur ton site sur ma homepage http://freetagzone.wordpress.com (en bas à droite) – catégorie « One Lovely Blog Awards » …
Amicalement et à bientôt.
(PS: les sites amis sont les sites avec lesquels nous avons des accords d’échanges de photos et de liens réciproques dans la cadre de notre “Voyage en éphémère” …)
Eric