Politiquement incorrect

Un mauvais début pour le chavisme sans Chávez

"Cacerolazo" [concert de casseroles] à Caracas

« Cacerolazo » [concert de casseroles] à Caracas. (Photo : AFP / Luis Acosta)

Vous allez peut-être me reprocher de vous parler une fois encore de politique. Mais nous venons de passer une semaine post-électorale tellement mouvementée –presqu’au bord du gouffre– qu’il serait à la limite indécent de parler d’autre chose.

Contestation des résultats électoraux par l’opposition, manifestations de rue, violences physiques, morts, arrestations, proclamation officielle de la victoire du candidat chaviste, prestation de serment, le tout sur fond de cacerolazos [concerts de casseroles] fomentés par l’opposition, on aura tout eu en l’espace de quelques jours. Avec tous les risques de débordement imaginables, ponctués d’accusations de putsch de part et d’autre, et, au bout de la spirale, la guerre civile comme possibilité.

Une gestion de crise déplorable

Disons-le tout de go : la gestion de la crise a été déplorable de la part du chavisme sans Chávez, et montre immédiatement ses limites. Acceptation du recomptage des voix par Nicolás Maduro lors de son discours de victoire, refus le lendemain par le Conseil national électoral (CNE) contrôlé par les chavistes, puis, sous la pression de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), à nouveau acceptation du recomptage, avant de préciser, le lendemain, que « l’audit des bulletins ne changera pas le résultat du vote » : de telles contradictions et pirouettes ont de quoi désarçonner quiconque, depuis les opposants bienveillants jusqu’aux chavistes les mieux intentionnés, laissant finalement tout le monde sur sa faim.

Que dire aussi de la manipulation de l’opinion à propos de la destruction de plusieurs cliniques populaires, le gouvernement accusant des opposants d’extrême droite tandis que l’opposition assurait que c’était le fait de chavistes déguisés en opposants. Cette guerre de fausses rumeurs orchestrées de part et d’autres (car les faits n’ont pas été avérés) n’a rien fait pour calmer les esprits.

Manifestation à Caracas

Manifestation à Caracas (Photo : AP / Ramón Espinosa)

Dans cette situation extrêmement tendue, il était inutile et dangereux de jeter de l’huile sur le feu. C’est pourtant ce qu’a fait le gouvernement, criant au coup d’état « fasciste » commandé par les États-Unis et appelant ses partisans à la radicalisation.

Peut-être Hugo Chávez aurait-il suivi cette ligne dure, mais n’est pas Chávez qui veut : l’ancien président avait un leadership assuré, tant sur les civils que sur l’armée, que Maduro est très loin d’avoir. Il disposait aussi d’une assise populaire plus solide que ce pauvre 50,78 % dont est crédité Nicolás Maduro. On ne gouverne pas un pays divisé en deux parties égales comme si l’on avait 70 % de l’électorat en sa faveur. Or c’est ce qu’a semblé faire le chavisme sans Chávez durant cette première semaine de pouvoir, et ce dès le discours de victoire de Nicolas Maduro.

Une autre voie

Les conditions réelles du pays imposent une autre voie. Comme l’écrit justement José Vicente Rangel, qui fut vice-président de Chávez de 2002 à 2007 et reste attaché au « processus » : « C’est le moment de la politique. De s’ouvrir au dialogue. Il faut chercher avec audace les interlocuteurs, qui, de mon point de vue, existent ».

L’équipe au pouvoir accédera-t-elle à cette ouverture, à ce dialogue ? Rien n’est moins sûr. En effet, ce serait, pour le chavisme, un changement total de paradigme. Et à supposer que le président Maduro désirerait aller dans ce sens, le pourrait-il seulement sans mettre en danger le fragile équilibre des tendances au sein du chavisme ?

C’est pourtant, selon de nombreux observateurs, la seule voie possible. Tous les sondages indiquent que 80 % des Vénézuéliens désirent mettre un terme à la polarisation politique extrême du pays et à nouveau se rencontrer comme nation. Sans l’ouverture de ce dialogue, le pays risque de se trouver face à un avenir fait d’instabilité permanente, qui pourrait dégénérer, à terme, en guerre civile larvée.

Il revient à Nicolás Maduro et à son équipe d’avoir le courage politique de rompre avec le chavisme de Chávez et d’entamer le dialogue. S’il ne corrige pas ce mauvais début, le chavisme sans Chávez pourrait se terminer en farce.

18 réflexions sur “Un mauvais début pour le chavisme sans Chávez

    • Tous les opposants ne sont pas de droite. Certains sont de gauche. D’ailleurs, 700.000 personnes qui votaient pour Chávez sont passées à l’opposition. Il y a donc suffisamment de gens avec qui entamer un dialogue. La condition principale serait de respecter les avancées sociales obtenues au cours des 14 dernières années. À la clé, les chavistes peuvent ainsi espérer diviser l’opposition et isoler les ultras. C’est cela la politique.

  1. Je pense que le gouvernement aurait « gagné à perdre » des élections. Les indicateurs économiques du pays sont au orange tendance rouge vif, les mesures à prendre sont loin d’être populaires et devront être prises par un gouvernement qui prétend que Chávez à tout laissé écrit pour que le gouvernement puisse poursuivre son oeuvre. Mais combien de temps cette mascarade durera-t-elle? Je pense que Maduro paiera la politique économique désastreuse de Chávez et de son cabinet. Soit il ne change pas d’un iota la politique actuelle et c’est l’effondrement qui nous guête, soit il le change pour sauver le pays et il passe pour un traître à la cause chaviste. Pas évident pour lui. Aujourd’hui il est plus à plaindre qu’autre chose je crois. Si l’opposition avait gagné, ça aurait été une aubaine pour le chavisme qui aurait pu la fustiger à loisir et revenir revigorée par la suite, profitant des mesures prises par l’opposition.

    Quant à la crise directement, j’ai vu tellement de désinformation de part et d’autre que ça en est devenu déroutant, écoeurant. On a envie de fermer les yeux et laisser les choses passer. Couper la radio, la TV et ne plus lire les journaux car on y lit/voit/entend tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi d’ailleurs… Les gens étant naturellement friand de ragots, ce qui prévalu pendant cette semaine a été la rumeur sur l’info. Les résaux sociaux y sont pour quelque chose d’ailleurs (histoire des photos de l’élimination des bulletins de vote…).

    Le pire de tout cela est que, malgré la partialité affichée du tribunal suprème de justice et du conseil national électoral, c’est qu’il n’y a aucun recomptage de vote possible puis que le vote est électronique. Un audit peut simplement mettre en évidence une erreur de machine. Et là on partirait dans un tout autre labyrinthe administratif car il leur faudrait présenter un recours au Tribunal Suprême de Justice. Or, l’expérience au Venezuela c’est « qu’une main lave l’autre » comme on dit. Il n’y a aucune chance que l’élection soit annulée et à nouveau solicitée par le TSJ.

    Maduro est président d’un pays que personne n’a intérêt à gouverner aujourd’hui. Dommage que Chávez ne soit pas là pour affronter lui-même la situation générée par sa politique (réserves d’or et de dolar à sec, violence, pénuries de tout, dette publique qui crève le plafond, impayés records de PDVSA…).

    • D’accord avec toi : pauvre Maduro, il n’a même pas choisi d’être où il est et il doit supporter tout le poids de ce qui se passe. Lourd, très lourd… Et d’accord avec toi aussi sur la désinformation et ses redoutables effets, de part et d’autre.

  2. Cette option fait penser au titre de Lénine « Un pas en avant , deux pas en arrière » …

    La situation n’est pas évidente au Venezuela et Maduro n’est pas Lénine non plus …

    Alors fait-il être plus dur ou plus souple ? Capriles montre en tout cas qu’il ne compte pas que sur les élections pour attaquer Maduro .
    Mettre de l’eau dans son vin peut aussi mener à renoncer à la politique chaviste et c’est tout ce que veut la Droite . or comment la Gauche venezuelienne peut-elle tenir sans mener une politique aussi engagée qu’elle l’a fait .
    Les victoires de Chavez s’appuient sur les réalisations sociales .
    S’il n’avait mené cette politique , il n’aurait pu pendant 14 ans remporter une telle adhésion .( seul un scrutin défavorable) .

    La relative faiblesse du score de Maduro montre aussi à quel point le peuple , contrairement à la Bourgeoisie ne sait pas s’unir ni se mobiliser avec toute sa force .
    Or s’il faiblit c’est fini pour lui .
    On le voit aussi ailleurs qu’au Venezuela : la Droite n’a pas besoin d’en faire beaucoup pour gagner une élection ou se maintenir au pouvoir – elle a déjà le pouvoir financier et idéologico-médiatique c’est essentiel .

    Mais que veut Capriles et ce qu’il incarne : veut-il seulement un dialogue et une politique qui concilie deux tendances politiques ? cela me paraît impossible .
    Capriles , acteur majeur et ultra du coup d’Etat antiChavez veut mettre à bas tout ce qui a été fait .
    Au pouvoir , il n’y aura plus de dialogue et l’enseignement de ces 14 années de Chavez lui fera prendre toute précaution , y compris les plus répressives , pour empêcher un nouveau Chavez .
    Quant à une opposition modérée prête au dialogue , si elle existait , pourquoi Capriles a-t-il été candidat de la Droite et avec un tel score ?
    Et cette même opposition conciliatrice se ferait « bouffer » par les Capriles , si ce n’est déjà fait …
    La « menace » du chavezisme mobilise la Bourgeoisie qui a besoin d’un Capriles , pas d’un homme de dialogue .
    Pour moi le fossé est creusé , et il le restera tant qu’il existera un programme d’alternative .
    Les sociétés de consensus sont aussi des sociétés où l’on a renoncé à tout changement. Au Venezuela : plus de santé ni d’éducation .

    J’ai discuté avec des Allemands ex de l’Est . Il sont espéré une forme de société combinant les avantages des 2 types de société : au final , c’est inconciliable .

    Pour moi , cette lutte est inéluctable jusqu’au triomphe d’une des 2 classes . Et là le calme revient . Mais l’exacerbation des luttes tient au fait qu’on est dans une période clef où tout se joue très vite .

    • Jean-Pierre, si on entre dans une lutte des classes à outrance, le chavisme sera perdant, tôt ou tard. Plutôt que de se replier sur lui-même en se radicalisant, il doit maintenant chercher des alliés parmi ses opposants. Tous ne sont pas des ultras, tous n’ont pas voté Capriles par idéologie.

      • Mais la lutte de classe à outrance existe , qu’on le veuille ou non .
        Je ne « fais » pas de la lutte des classes , je l’observe .

        Cahuzac disait il n’y a pas si longtemps ne pas croire à la lutte des classes . Quelques semaines plus tard , le voila pris la main dans le sac et il serait question de 65 millions qu’il aurait placés ça et là . On parle de faute morale alors qu’il s’agit d’un problème politique .
        Ceux qui dénient la lutte des classes sont ceux qui l’exploitent .
        Ceux qui ne la voient pas la subissent .
        En France un récent sondage montre qu’il y a bien plus de gens qui la voient qu’en 1968 ; mais que par contre il y a en a bien moins qui s’identifient à une classe .

        Je pense que le gouvernement chaveziste doit aller au bout de ses réformes . Mais justement , c’est ce que les opposants refusent .
        Par conséquent il y a un antagonisme entre faire des concessions à l’opposition et répondre aux attentes du peuple .
        Pour l’opposition de gauche , cela m’intrigue. J’ai vu sur l’urne une pléiade de listes de gauche soutenant Maduro . Un Capriles ultra réunissant la Droite . Deux listes à la marge .
        Où est cette opposition de gauche ?

        Que des voix aient basculé est différent : il ne s’agit pas d’opposition mais d’un électorat indécis voire manipulé .

        Au fond que reproche-t-on à Maduro ? son bilan ? mais c’est celui de Chavez , qui venait d’être triomphalement réélu .
        Et Capriles était aussi virulent , avec le même lourd passif .

        Alors Maduro a tout simplement moins de charisme que Chavez et l’opposition , pour moi entièrement à droite , , s’y engouffre .

        Les 700 000 voix ayant basculé ne sont celles d’aucuns partis .

        Si l’on suit ce raisonnement , il faudrait dialoguer ici avec Lepen qui a fait un gros % . En quoi cela apaiserait-il le débat politique ? On lui tend le micro complaisamment .
        Pareil sur le mariage pour tous , où s’est engouffré toute la droite . dialoguer avec cet agglomérat qui inclut le GUD , place le FN Collard en porte banderole et qui incite à la haine contre les homosexuels et a déjà exercé des violences physiques ? mais de quel dialogue s’agit-il ? Et pourtant on leur tend bien plus le micro qu’à ceux qui veulent débattre de la mise en cause des acquis sociaux .

        Si Maduro perd un jour – et je le crains – même s’il poursuit le programme de Chavez , , la société venezuelienne sera dans une situation grave . On règlera des comptes et là ne comptons pas sur un dialogue de Capriles avec des ex-chavezistes puissants . Le pays sera en coupe réglée et une répression aussi forte qu’elle sera tue ici , donc se fera en toute tranquillité .

        Je maintiens donc que Maduro et le peuple n’auraient eu aucun avantage à perdre ces élections .Capriles aura argué de sa victoire pour casser les acquis sociaux .
        aurait-il « écouté » l’autre moitié du pays ? impossible .Le bon score de Capriles tient aussi dans son outrance .Un candidat « soft » aurait été balayé par Maduro .

      • D’abord pardon à Jean-Luc que j’ai traité de Jean-Louis… 😦

        Jean-Pierre, vis tu ou as tu vécu au Venezuela ?

      • Lidys et Michel , bonjour !

        Je vis à Paris ; certes je ne vis pas la situation au Venezuela mais par le biais associatif et par le hasard du voisinage , je discute surtout avec des Colombiens … qui ne vivent pas au Venezuela , mais qui ont un élément fort de comparaison .

        D’autre part , je lis
        – des bouquins .
        – revues : La Pensée , Recherches Internationales , les Cahiers d’Histoire , FAL mag’.
        – sur internet , divers blogs ( associatifs ou non ) .
        – La presse ou certaine presse , quotidienne ou non .

        Mon point de vue est la synthèse contradictoire de mes observations , de mon vécu , de mes lectures et de mes discussions .

        Le Venezuela n’est certes pas ma spécialité mais ça ne m’empêche pas d’avoir un intérêt et un point de vue sur ce qui s’y passe , surtout de façon comparatiste et dans une perspective politique mais pas seulement .

        Voila , si ça peut éclairer sur mon point de vue …qui peut paraître tranché mais qui l’est peut-être moins que le consensuel !

      • Jean-Pierre,

        merci de ta réponse. Notre interrogation portait bien sur cette expérience du pays : Jean-Luc la pratique quotidiennement d’où le grand intérêt de ses billets pour nous qui n’y vivons plus depuis longtemps et ne pouvons qu’y séjourner épisodiquement.

        À l’origine, c’est l’aspect chronique culturelle et sociale qui nous a « branché » car nous y retrouvions notre sensibilité ; ce pays est extrêmement attachant par beaucoup d’aspects et l’éloignement génère de la nostalgie. Mais il est certain que depuis l’arrivée de Chavez un changement profond a eu lieu pour beaucoup de Vénézuéliens – et nous pensons comme Jean-Luc qu’il est irréversible et tant mieux.

        Cependant, la Colombie n’est pas le Venezuela, pas plus que le Pérou, le Brésil, le Chili ou d’autres d’Amérique Latine ou Centrale d’ailleurs : la France peut-elle être assimilée à l’Allemagne, l’Angleterre ou l’Italie, même si l’Europe nous réunit ? Nos passés respectifs proches ou lointains pèsent encore dans nos approches différentes de problèmes pourtant communs.

        Ainsi tes amis Colombiens ne sont pas encore vraiment sortis d’une période sombre pour leur pays alors que la guerilla vénézuélienne a pris fin dès la fin des années 60 sous l’égide de Rafael Caldera. Les relations sociales ne peuvent être de même sorte dans des contextes politiques si différents.

        Pour en revenir au sujet premier de ce billet, lorsque Jean-Luc rapporte le sentiment de beaucoup quant à « l’inefficacité des politiques et programmes, plus la bureaucratie inepte, plus la corruption, plus les discriminations et injustices sociales, plus les pénuries d’aliments et d’électricité… » il ne fait que confirmer ce que nous avions pu entendre et constater déjà lors de notre dernier passage. Cette expérience chaviste tourne court et c’est bien dommage, l’Amérique Latine ne s’étant pas encore suffisamment émancipée. Nous avons un vif souvenir de la fin du Chili d’Allende et nous n’avons pas oublié non plus les dictatures brésilienne, argentine, y ayant circulé à l’époque, d’où notre vive inquiétude pour les Vénézuéliens aujourd’hui : les « vieux démons » ne sont jamais loin.

      • Lidys et Michel ,
        Bonjour !
        Votre point de vue est le mien en ce qui concerne les craintes .
        Qu’on ne puisse pas revenir en arrière , je l’espère .
        Toutefois ,l’expérience du Chili montre que la mise en place d’un processus démocratique progressiste de fond dans une société n’est pas irréversible en tout cas à moyen terme : qu’y a-t-il de commun entre le Chili de l’Unité Populaire , avec toute cette effervescence politique et culturelle ,et le Chili actuel , y compris sous Bachelet ? Je vois le fascisme comme la roue de secours du capitalisme ,lorsque les moyens ordinaires ne suffisent plus à garder le pouvoir .Et lorsque le capitalisme ordinaire revient ,le fascisme persiste à imprégner la société , menace encore .
        Au Chili , bien des erreurs ont été faites sous l’UP mais cela ne discrédite en rien cette mise en place d’une société nouvelle . Mon intérêt pour l’Amérique latine date d’ailleurs de 1973 , est lié au Chili .( J’étais petit mais c’est venu par les Quilapayun et les meetings ).
        Si on compare avec ce qui se passe au Venezuela , il me semble qu’on est à présent en retrait . Le Chili a enthousiasmé , a mobilisé beaucoup et pourtant ça n’a pas suffi face au fascisme – lequel s’appuie toujours de façon apparente sur un mécontentement populaire mais au fond est le choix de l’oligarchie _ et l’UP n’a pu résister . Là , qui se lèverait pour le Venezuela ici ?
        Je m’inquiète donc pour les Venezueliens d’autant que partout dans le monde , la nouvelle forme de renversement des gouvernements progressistes est d’y conférer une apparence constitutionnelle démocratique : Honduras , Paraguay ,où ça a opéré … avant on sauvait le monde du communisme . A présent ,on dore la pilule mais le résultat est le même .
        Si je fais une analogie , je dirais que si un salarié est sous pression , il est amené à faire des erreurs et il sera licencié pour faute par le patron qui lui gagnera sur tous les plans et de façon constitutionnelle .: la même tactique est appliquée par les mêmes face aux mêmes à une autre échelle .
        Curieusement , on parlera beaucoup moins d’erreurs dans le cas d’un régime non progressiste , ou d’un pays riche .Parle-t-on des erreurs d’Uribe ou d’Obama ?
        C’est aussi qu’il y a une certaine fragilité inhérente à la mise en place d’une société différente , non répressive . Et au bout du compte , pour tenir face au poids de l’argent , il faut prendre des décisions qui n’étaient pas prévisibles . L’aliénation ordre de l’argent est plus stable à moyen terme – y compris en cas de crise grave , que la société qui lutte contre l’aliénation .

        En ce qui concerne la Colombie , mon propos n’est pas de dire que les Colombiens m’informent sur le Venezuela , mais que l’expérience du conflit armé en Colombie les amène à voir Chavez , le Venezuela et tout le jeu qui s’y déroule avec du recul .
        Des infos ils en ont bien plus que moi : je ne lis que très vaguement l’espagnol ne l’ayant jamais appris . Mais ils soutiennent le processus au Venezuela qui est un enjeu au delà du pays même .
        Il y a quand même une proximité de ces 2 pays par les llanos . Et il y a aussi une coupure au sein de ces pays géographique et sociale .

        Sinon votre expérience et celle de Jean-Luc doivent être bien passionnantes et ma foi , c’est aussi l’occasion de rêver un peu que de lire tout ce blog .

      • Jean-Pierre, je n’ai rien contre la lutte des classes, je la vis au quotidien. Je considère qu’il s’agit d’une grille d’analyse des sociétés tout à fait pertinente.

        Cela dit, dans toute lutte sociale, au Venezuela comme ailleurs, il faut tenir compte de certaines réalités sociologiques. Concrètement, au Venezuela, que constatons-nous ?

        1) Que le chavisme a, lors des ces élections, perdu la majorité dans presque toutes les zones urbaines (sauf Maturín, Cumaná, Punto Fijo, San Fernando, Aricagua et San Carlos, toutes villes d’importance secondaires). Dans le Grand Caracas, s’il conserve quelques fiefs, il est globalement minoritaire.
        2) Que même dans les zones rurales, un retournement a eu lieu : je suis allé dernièrement dans des villages où traditionnellement l’opposition était inexistante; je les ai vus maintenant couvert d’autant d’affiches de Capriles que de Maduro. Il y a même eu des « cacerolazos » dans des villages de quelques centaines d’habitants qui ont voté pour Maduro à 60 %. C’était inconcevable il y a seulement quelques mois. Il faut comprendre que l’usure « naturelle » du pouvoir, plus l’inefficacité des politiques et programmes, plus la bureaucratie inepte, plus la corruption, plus les discriminations et injustices sociales, plus les pénuries d’aliments et d’électricité, cela fait beaucoup à endurer, même pour un partisan du chavisme, qui se rend bien compte que tout n’est pas à mettre sur le dos de l’impérialisme.

        Déjà, Chávez n’avait qu’une emprise limitée sur les villes et la jeunesse. Sociologiquement, sa force se trouvait dans les zones rurales et les « barrios ». Mener une révolution avec des paysans et une espèce de lumpen (la classe ouvrière étant peu importante et divisée, la petite classe moyenne ayant été perdue en route), sans l’appui de la majorité des jeunes et des intellectuels, c’était déjà toute une gageure.

        Dans les conditions actuelles, c’est devenu pratiquement impossible, à moins de regagner les troupes perdues. Et pour cela, il faut s’ouvrir, il faut parler, il faut négocier, il faut faire de la politique, et non pas s’enfermer dans des discours entendus et réentendus sur le « fascisme », le « coup d’État », la « main de Washington ».

        Sans cela, c’est bye bye le chavisme politique à la prochaine échéance. Il restera, c’est vrai, le chavisme social (la conscience de classe des millions de laissés pour compte de l’ancien Venezuela). Tout n’aura donc pas été tout à fait en vain.

      • Jean-Luc ,

        merci de ta réponse détaillée . Je n’avais pas regardé les résultats localement .
        Mais toutefois dans ce cas , non seulement les sondages ont été démentis mais encore le soutien massif à Chavez lors de la présidentielle précédente .
        Or la différence essentielle entre les 2 scrutins tient non pas dans le chavezisme mais dans la personne de Chavez .

        Pourquoi lors de la présidentielle avoir à tout prix présenté Chavez ? parce que c’était le meilleur candidat . Pourtant les choix politiques ne sont pas son fait personnel . L’électorat cherche donc un homme fort , le programme politique ne suffit pas .
        Maduro apparaît comme un second couteau et même s’il est le choix de Chavez ( peut-être encore une erreur ) , cela l’a pénalisé .

        Si je fais une comparaison avec la situation en France . Hollande -malgré sa personne peu appréciée – a été élu par rejet du sarkosysme et de Sarkosy . 1 an avant , le score de Sarkosy eut été bien pire . 1 an après , il devancerait Hollande , qui s’effondre ( enfin en sondages ) .Il y a donc une disjonction entre le soutien à une politique – qui ne varie pas – et le vote pour tel candidat .Personne ne soutient la politique menée et pourtant 85% des votants votent pour cette politique .
        Et là le discours médiatique joue à fond .

        Pour revenir au Venezuela , que Maduro , Chavez , l’équipe au pouvoir fasse des erreurs est une chose , il n’empêche que son choix de société , à contre-courant de l’ordre mondial , je le juge bon même car il n’y a pas d’autre choix .
        Que tous ces problèmes ne soient pas à imputer à l’impérialisme US , certainement , même s’il donne un contexte et un rapport de force politico-économique qui imprègne voire régit en profondeur tous les pays du Monde , Y résister n’est pas évident.
        Que ces erreurs doivent être corrigées ou le choses améliorées , bien entendu , mais je pense que même le PSUV en est convaincu .

        Le problème pour moi est : où mène Capriles ? Et là , à mon avis à rien de bon .

        Je ne vois pas avec qui discuter … concéder à Capriles est se tirer une balle dans le pied car c’est remettre en cause les choix sociaux .
        Quelle est la première concession que demandent les banques européennes dans les crises ? privatiser , casser les services publics … et bien sûr l’économie s’effondre plus encore …
        A bientôt .

  3. Encore une fois merci Jean-Louis pour ton apport : les articles de presse – dont ceux agrégés par ScoopIt – nous semblent souvent incomplets ou superficiels et les atermoiements des différentes autorités ces derniers jours restent inexpliqués faute de connaissance réelle du pays et de ses institutions par les rédacteurs.

    Tu cites J.V. Rangel et cela nous ramène une fois encore aux années 70 et au M.A.S. (Movimiento Al Socialismo pour de plus jeunes 😉 lecteurs) que nous suivions avec beaucoup d’intérêt alors. Cet homme luttait déjà contre la dictature militaire renversée en 1958 et n’a cessé de militer depuis au sein des institutions démocratiques. Il a l’expérience, espérons que sa popularité lui permette d’être entendu…
    2 liens (anglais et espagnol, le lien français est plus que succinct !) pour ceux qui s’y intéresseraient :
    https://en.wikipedia.org/wiki/José_Vicente_Rangel
    https://es.wikipedia.org/wiki/José_Vicente_Rangel

    L’avenir est sombre pour le pays, ce que nous craignions n’est pas loin de se produire. Fasse qu’il y ait des responsables éclairés qui sachent saisir les quelques opportunités encore présentes – si les sondages que tu évoques sont crédibles. Les Vénézuéliens le méritent.

  4. Intéressant de comparer les points de vue …
    l’analyse proba-statistique ( fondée sur une approche mathématique ) de 54% des résultats nationaux c’est du jamais-vu .
    Dans le monde , on tourne à 10% et on a déjà un résultat très fiable .

    Ici l’écart est faible , certes mais cette vérification d’un résultat déjà fiabilisé par la méthode électronique et avalisé par les observateurs internationaux vise surtout à une transparence au delà du mathématiquement nécessaire .

    Elle peut paraître un aveu de faiblesse devant un Capriles guère à cheval sur le respect des urnes : son coup d’état de 2002 , c’est quand l’écart est de 20% ?
    Ses appels à la violence ont déjà fait des morts .

    En quoi Capriles se légitime-t-il par ses violentes tentatives de déstabilisation ? Montre-t-il de ipso facto un respect nouveau pour les urnes ?

    Maduro est peut être maladroit mais cela ne légitime en rien son habile et dangereux adversaire .

    D’après les statistiques- que je recherche pour les rendre ici accessibles , la situation économique au Venezuela n’est pas celle décrite par les médias de la Droite capriliste .

    Et si la situation est si catastrophique au Venezuela , alors pourquoi Capriles se bat-il à ce point pour y rétablir le pouvoir de la Bourgeoisie – qui ne l’a perdu qu’à moitié …
    Et pourquoi la politique sociale du gouvernement Chavez était-elle sans cesse dans une dynamique de progrès malgré un contexte de crise aiguë ?

    Ici on a eu des élections et avec une situation soi-disant plus saine , on a l’hyper-austérité !
    Et en Argentine pays dont le PIB égalait celui de la GB au sortir de la Guerre , La politique ultra libérale des Menem et de la Rua a donné le drame argentin , des morts de malnutrition en nombre énorme … le pétrole privatisé et donné à repsol ( voir le documentaire de Fernando Solanas .Or c’est cette politique que veut Capriles …

    S’il accède au pouvoir , ce sera un drame social pour le peuple venezuelien .Privatisation pour repsol et les autres , rien pour le peuple .
    Jamais un pouvoir libéral n’a amélioré le sort des peuples et les latinos le savent bien .

  5. j’ai trouvé un article en complément sur le premier acte de politique étrangère de Maduro .
    C’est aussi une réponse politique aux tentatives de déstabilisation :

    http://www.afrique-asie.fr/menu/ameriques/5426-premier-acte-de-politique-etrangere-du-gouvernement-maduro-defendre-les-droits-du-peuple-palestinien.html

    Il va de soi qu’un Capriles mènerait une politique inverse .On est bien dans le sens de choix politiques corrélés à une politique sociale . L’enjeu est là aussi , celui d’un autre monde .

  6. N’oublions pas un point clef dans l’attitude de Capriles : celle des USA .
    Pour la première fois les USA ne reconnaissent pas l’élection au Venezuela .
    Cocasse quand on pense à leur système électoral et au traficotage , au manque de participation , à l’impossibilité pour un candidat non millionnaire d’exister , …
    Mais droit d’ingérence oblige .

    Recompter l’intégralité des bulletins au lieu de 53% déjà faits , c’est mathématiquement inconsistant : la proba d’erreur est égale à 1 chance sur 25 millions de milliards .

    Mais semer le doute , et il en restera quelque chose . Regardez l’état de la société venezuelienne par rapport à ce qui se serait passé si on avait entériné la victoire un point c’est tout . Bien plus que les erreurs de Maduro qui doit jouer serré face aux USA avec leur cheval de Troie Capriles , ce qui fait ce climat , c’est l’attitude de la superpuissance américaine , qui incite à défier Maduro , quoi qu’il advienne des résultats . Et là les USA jouent leur va-tout , avec ce score .Le bras de fer est en réalité entre Maduro et Obama . Capriles n’est qu’un pantin . Que serait-il sans ce deus ex machina ?

  7. Il n’en demeure pas moins que .
    3 députés de droite ( Ricardo Sanchez , Andres Avelino , et Carlos Varga ont retiré leur appui à Capriles en dénonçant l’existence d’un plan de la MUD rejetant les résultats émis par le CNE .
    L’ambassadeur de Bolivie , JP Guevara donne une analyse dans laquellle il explique que la droite veut faire un coup d’Etat .
    Cette tentative de la droite étant un ballon d’essai pour voir les réactions internationales et la population .
    le soutien de l’UNASUR à Maduro ayant été total ,ça a refroidi Capriles .
    Par contre , notable soutien de l’Espagne , de l’OEA et des Etats-Unis .

    Tous les observateurs internationaux ont noté le très bon déroulement du scrutin .

    Mettre en cause Maduro est aussi jouer le jeu de cette droite prête à tout et qui n’acceptera jamais le progrès social .

    Je pense que pour une part , le regard de l’Europe sur le processus engagé en Amérique latine et au Venezuela traduit l’absence de perspective de changement en Europe même : on y défend des acquis , mais l’idée d’un futur prometteur a du mal à émerger , et que d’autre part il faut garder en tête que les solutions ne naissent pas du renoncement .

    Il y aura d’autres échéances électorales au Venezuela et elles ne seront pas faciles , quel que soit le bilan . L’éradication de la pauvreté , la santé ,l’alphabétisation et l’éducation ouvertes à tous ne suffisent pas .
    Régler les questions de l’insécurité , l’inflation , l’énergie ne se font pas en un jour . L’objectif de la droite n’est pas de les régler mais de s’en servir comme d’un levier pour contester .
    Ici en Europe , ça va de mal en pis et ce n’est pas les Maduro qui dirigent . Que décident nos dirigeants ? de continuer plus avant leurs politiques régressives .
    Selon moi , il faut bien prendre en considération quels intérêts sont défendus in fine par tel ou tel courant politique .

Répondre à Jean-Pierre Annuler la réponse.