Dramatique/Inattendu/Politiquement incorrect

Christophe Colomb, avec ou sans tête

Caracas

Caracas

Le 12 octobre 2004, un groupe d’activistes faisait tomber de son piédestal la statue de Christophe Colomb située sur la plaza Venezuela de Caracas, tel un vulgaire Saddam Hussein.

Deux ans plus tôt, Hugo Chávez avait proclamé ce 12 octobre Journée de la résistance autochtone. Il faut savoir que jusqu’alors, au Venezuela comme en Amérique latine, ce jour férié -qui commémore l’arrivée de Colomb sur le continent américain- était appelé Día de la Raza (« Jour de la race », sous-entendu de la race blanche, ou plus exactement de la « race espagnole »). On comprendra immédiatement le côté rétrograde, à connotation raciste, de cette dénomination. Il n’était nullement déshonorant de faire cette modification de nom.

Au-delà de sa forte symbolique, le changement de dénomination répondait à la nécessité de revaloriser les nations autochtones, celles-là même qui furent « découvertes » par Colomb, puis violentées et décimées au cours des siècles suivants.

Tandis qu’Evo Morales était sur le point d’arriver au pouvoir en Bolivie, Hugo Chávez trouvait là un thème porteur lui permettant de se présenter en leader continental de la défense des autochtones. Il ne pouvait pas laisser passer une aussi belle occasion! C’était de bonne guerre. Aussi, dans son pays, même si les autochtones ne représentent qu’un très faible pourcentage de la population, fit-il adopter une législation progressiste qu’il combina à des mesures sociales leur étant favorables. Si ce n’est le fond clientéliste inhérent à ce type de mesures, il n’y a rien à dire : sous Chávez, le statut et la vie quotidienne des autochtones vénézuéliens ont fait un bon en avant, c’est indéniable.

Dans la foulée

Pour en revenir à la destruction de la statue de Caracas, celle-ci fut le fait de sympathisants -autochtones et non autochtones- de cette réhabilitation des luttes indigènes en Amérique latine, un mouvement qui existait depuis bien avant l’arrivée de Chávez au pouvoir et qui s’était particulièrement illustré en 1992, lors des commémoration du 500e anniversaire de l’arrivée de Colomb.

Dans la foulée de la manifestation de Caracas, on assista dans le pays à des actions similaires autour des nombreuses statues de Colomb du pays. Dans la plupart des villes, statues et bustes le représentant connurent le même sort : la destruction ou la décapitation. Exemple : voici ce qui reste de la statue de Christophe Colomb qui avait été érigée en 1895 à Mérida grâce aux bons soins de la colonie italienne de la ville :

Mérida

Mérida

À cette destruction (où sont donc passées les têtes de Colomb?), il y a des exceptions, et non des moindres. Ainsi, à Macuro, lieu hautement symbolique à l’extrême est du Venezuela, là même où Colomb, lors de son troisième voyage, mit le pied pour la première fois sur le continent (il n’avait jusque là découvert que certaines îles des Caraïbes), la statue -et quelle statue!- reste, aux dernières nouvelles, toujours en pied :

Macuro

Macuro

De même, à Mucuchachí, petit village perdu au fin fond des Andes de Mérida, j’ai découvert ce buste encore bien en place, « l’un des derniers au Venezuela », m’a-t-on dit là-bas :

Mucuchachi

Mucuchachí

La survie de ces monuments prouve qu’il est difficile et délicat de nier l’histoire d’un coup d’un seul, de faire table rase du passé, de décréter l’oubli comme si de rien n’était. Qu’on le veuille ou non, Christophe Colomb fait aussi partie de l’histoire du Venezuela.

Ramdam

Le capitaine gênois méritait-il donc tout le ramdam fait autour de lui? Symboliquement oui, on peut le comprendre, car il représente la politique expansionniste des rois d’Espagne, dont on sait maintenant la destruction des peuples qui s’en est suivi.

Mais gardons-nous d’aller plus loin et de juger l’homme Colomb : il n’était que l’instrument d’une politique. Si ce n’avait été lui, c’eût été un autre. L’humain étant curieux de nature, étant un découvreur-né, la rencontre des deux mondes était, en quelque sorte, historiquement programmée. Elle ne pouvait qu’avoir lieu. Elle a toujours eu lieu. Et elle continue de nos jours.

Gardons-nous aussi de juger avec nos yeux d’aujourd’hui les actions du passé. De condamner par exemple les découvreurs des 15e et 16e siècles au nom des droits de l’homme. Bel anachronisme! Jugeons plutôt les actes de violence de la conquête espagnole en Amérique avec les yeux des « critiques » et des « progressistes » de l’époque, dont le meilleur exemple est Bartolomé de Las Casas.

Enfin et surtout, regardons-nous en face : n’avons pas la même attitude de Colomb lorsque, touristes curieux et découvreurs, nous allons à la rencontre de populations autochtones éloignées et les examinons avec nos yeux ébahis?

N’y a-t-il pas là aussi, quelque part, une violence faite à l’autre?

5 réflexions sur “Christophe Colomb, avec ou sans tête

  1. Je comprends bien, avec des yeux d’Occidental, que Colomb puisse avoir une image de colonisateur difficilement acceptable pour les autochtones, mais par contre comment les Venézuéliens peuvent-ils ressentir la même chose alors que leur culture, leur langue et leurs gènes sont essentiellement espagnols?

    De plus, si mes informations sont justes, les Venezueliens sont plutôt racistes envers les Indiens et autres « singes » comme ils les appellent… Par conséquent, avant de cracher sur le symbole que représente Colomb et de déboulonner des statues, ne conviendrait-il pas avant toute chose de se demander QUI sont ces latinos-américains?

    Pour moi, il me semble évident que ces peuples, dans leur ensemble, sont un mélange de plusieurs autres (avec des variations selon les régions), ce qui a donné naissance à une nouvelle race, au demeurant fort jeune, d’hispano-américains! il n’y a donc pas lieu de rejeter les composantes de cette race, mais d’apprendre à les comprendre et les intégrer.

    Eric

  2. bonjour
    c’est étonnant pendant toute mon scolarité Vénézuelienne, el dia de la raza on la jamais fête-appris etc en tant que jour de la race blanche mais jours du « mélange » du métissage voila ….
    je n’ai pas encore tout lu du post donc je placerais un nouvel com si besoin.

    PS. j’ai suivi une scolarité ds les système edu vénézuelien privé … PAS le français heureusement qqpart

  3. RaStiScaR,
    il n’est pas impossible que des explications plus consensuelles du Día de la Raza soient données dans certaines écoles. Le métissage est d’ailleurs une valeur positive dans le système éducationnel vénézuélien.

    Cela dit, il ne faut pas s’y tromper : le nom Día de la Raza parle bien d’une race. Laquelle, à ton avis? Dans d’autres pays, le Día de la Raza est appelé Día de la Hispanidad, ce qui ne laisse aucun doute…

  4. c’est très à la mode , pour les européens , blancs, contemporains , de dénigrer leur histoire et leur civilisation. Elles sont trop grandes pour eux . C’est ce qu’on appelle le décadence. C’est un état d’esprit que toutes les grandes civilisations ont connu. Les conquêtes passées des arabes , des chinois , des perses , etc… sont de bonnes choses. Pas celles des européens . Hegel appelait ça la dialectique du maître et de l’esclave . Moi , j’appelle ça de la connerie de gauche

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