Religieux/Traditionnel

À chacun sa vierge

Vierges latinoaméricaines

Bon, je vais les citer toutes, pour ne pas faire de jalouses, même s’il n’existe pas –malheureusement– de photo de groupe (ci-dessus, la meilleure photo d’elles que j’ai rencontrée) :

  • l’Argentine a Nuestra Señora de Lujan
  • la Bolivie a Nuestra Señora de Copacabana
  • le Brésil a Nossa Senhora Aparecida
  • le Chili a Nuestra Señora del Carmen de Maipú
  • la Colombie a Nuestra Señora de la Chiquinquirá
  • le Costa Rica a Nuestra Señora de los Angeles
  • Cuba a Nuestra Señora de la Caridad del Cobre
  • l’Équateur a Nuestra Señora de la Presentación del Quinche
  • El Salvador a Nuestra Señora de la Paz
  • le Guatemala a Nuestra Señora del Rosario
  • le Honduras a Nuestra Señora de Supaya
  • le Mexique a Nuestra Señora de Guadalupe
  • le Nicaragua a Nuestra Señora de El Viejo
  • le Paraguay a Nuestra Señora de Caacupé
  • le Pérou a Nuestra Señora de la Evangelización
  • Porto Rico a Nuestra Señora de la Divina Providencia
  • la République dominicaine a Nuestra Señora de las Mercedes
  • l’Uruguay a la Virgen de los Treinta y Tres
  • et le Venezuela, enfin, possède Nuestra Señora de Coromoto.

Une histoire exemplaire

Toutes ont leur histoire, leur légende. Mais celle de la vierge de Coromoto, au Venezuela, est tout à fait exemplaire. Je ne résiste pas au plaisir de vous la conter :

En 1651, le cacique de la tribu des Cospes et son épouse se dirigeaient vers leur plantation lorsque, lors de la traversée d’une rivière, la vierge leur apparut, marchant sur l’eau. Elle leur demanda d’aller chez les hommes blancs et de s’y faire baptiser, pour ainsi avoir droit au ciel.

Impressionné, le cacique accepta que les membres de sa tribu se rendent à la hacienda de Juan Sánchez pour y recevoir des terres et se faire baptiser. Mais lui-même refusa de recevoir le baptême, de vivre avec les étrangers et de travailler pour eux.

Le 8 septembre suivant, la vierge fit une autre apparition au cacique. Ce dernier tenta de la chasser avec son arc, mais au contraire la figure se rapprocha de lui. Lorsqu’elle fut à sa portée, il tenta de la saisir, mais elle disparut aussitôt, ne laissant dans sa main qu’une image étrangement lumineuse.

Le cacique alla dissimuler l’image dans la paille qui recouvrait sa case. Mais un de ses jeunes neveux, qui avait été le témoin des événements, prit l’image et l’emmena chez lui où il la plaça sur un autel. Une bougie y brûla miraculeusement pendant plusieurs jours. Les indiens commencèrent à la vénérer.

Le jour suivant, le cacique fuit vers les montagnes, accompagné d’un groupe de compagnons. Dans la forêt, un serpent venimeux le mordit. C’est alors que passa un chrétien blanc. Le cacique lui demanda de le baptiser. Il reçut le sacrement et, juste avant de mourir, il exhorta ses compagnons à retourner auprès des blancs, ce qu’ils firent aussitôt.

Le résultat recherché

Histoire particulièrement édifiante, pas vrai? Tout s’y trouve : la colonisation, l’évangélisation, l’esclavage, la résistance. Et le petit coup de pouce de la vierge pour arriver au résultat recherché : la capitulation.

Vierge de CoromotoLe 7 octobre 1944 , le pape Pie XII a déclaré la vierge de Coromoto « Patronne de la république du Venezuela ». Son couronnement canonique a eu lieu trois siècles exactement après son apparition, en 1952. Le Venezuela avait enfin sa vierge! Il était l’un des derniers pays d’Amérique latine à faire partie du club marial.

Depuis lors, le culte ne s’est jamais démenti. À tel point que beaucoup de petites filles vénézuéliennes reçoivent à la naissance le nom de Coromoto. Sur les lieux de l’apparition, un énorme sanctuaire consacré à Nuestra Señora de Coromoto a été inauguré par le pape Jean-Paul II lors de sa seconde visite au Venezuela, en 1996. On peut y voir, paraît-il, l’image que reçut le cacique, rendue presque invisible par le passage du temps.

Au cours des siècles, les Vénézuéliens ont largement appliqué la leçon que la vierge a voulu leur enseigner, en ce beau jour de 1652 : faites-vous baptiser (sous-entendu : intégrez-vous au nouveau mode de production, quitte à y perdre votre être –mais une vierge ne parle pas comme ça).

Officiellement, le pays est catholique à 95 %. Cependant, derrière le culte –ou à côté, ou en-dessous– il y a encore de beaux restes de croyances antérieures. Et il subsiste aussi, par ci par là, de beaux restes de révoltes.

Le cacique n’a donc pas tout perdu…

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