Au Venezuela, l’impression prévaut que les adolescents sont sexuellement plutôt précoces. Il n’est pas rare de voir de très jeunes filles -toutes classes confondues- tomber enceintes. Les conséquences ne sont pas les mêmes pour toutes, cependant : pour les plus démunies, c’est le plus souvent l’abandon des études et une vie parfois brisée (encore que souvent assumée), tandis que d’autres, plus chanceuses, reçoivent un appui familial qui leur permet de poursuivre comme si de rien n’était. Le garçon, lui, s’en sort plutôt bien dans tous les cas…
Une récente étude internationale intitulée La contraception : qui est responsable? permet de situer le Venezuela sur la carte de la sexualité adolescente mondiale. En effet, elle met en lumière les connaissances et les comportements des jeunes de 25 pays (dont sept d’Amérique latine) en ce qui concerne plus précisément la contraception. Plus de 5000 adolescents de 15 à 19 ans ont participé à ce vaste sondage international.
Globalement, il en ressort une série de chiffres qui marquent les grandes tendances mondiales en la matière :
- Les adolescents ont leur première relation sexuelle de plus en plus jeunes
- 42 % connaissent une amie ou un membre de leur famille ayant eu une grossesse précoce (contre 32 % un an plus tôt)
- 45 % des jeunes sexuellement actifs admettent avoir eu des relations sexuelles sans contraception avec un nouveau partenaire (contre 36 % un an plus tôt)
- 51 % affirment être bien informés en ce quoi concerne les méthodes contraceptives (contre 47 % un an plus tôt)
- 32 % croient que le coït interrompu est une méthode efficace de contraception (contre 36 % un an plus tôt).
En conclusion, malgré une (apparente) meilleure connaissance théorique, la contraception semble de plus en plus abandonnée dans la pratique, la principale conséquence étant que le nombre de grossesses non désirées a tendance à augmenter.
Apparence et hygiène personnelle
Passons maintenant en Amérique latine. Nous y observons que 56 % des adolescents ont eu des relations sexuelles avec un nouveau partenaire sans utiliser de méthode contraceptive. On est déjà bien au-dessus de la moyenne mondiale (45 %), mais que dire alors du Venezuela où 67 % des adolescents sont dans ce cas ? Un chiffre particulièrement élevé.
Comment les jeunes vénézuéliens expliquent-ils cette situation ? La principale raison qu’ils invoquent était qu’ils n’avaient aucun moyen contraceptif à leur disposition au moment d’un rendez-vous susceptible de mener à une relation sexuelle (44 %). Par ailleurs, 18 % d’entre eux considéraient qu’il n’y avait aucun risque de grossesse. Parmi les autres causes invoquées, citons l’oubli, le refus ou le rejet par le partenaire, ou encore le fait de ne pas savoir quelle méthode utiliser. Ces comportements indiquent qu’ils n’attachent pas beaucoup d’importance à la protection.
D’autres aspects de l’enquête confirment ce dernier point. En effet, si l’on compare avec les autres pays –même les pays latino-américains– les jeunes vénézuéliens sont ceux qui accordent le plus d’importance à l’apparence et à l’hygiène personnelle au moment d’avoir une relation sexuelle (61 %). Si l’on distingue par sexe, on s’aperçoit que 70 % des filles et 52 % des garçons citent l’aspect physique comme l’élément de plus grande valeur lors d’un rendez-vous qui pourrait conduire à un contact sexuel. Quant à la protection, elle ne préoccupe que 15 % d’entre eux.
Aussi ne faut-il pas s’étonner du nombre de grossesses non désirées dans le pays : 60 % des jeunes vénézuéliens ont un parent ou une amie proche qui a eu une grossesse non planifiée. Pourcentage élevé, mais inférieur, toutefois, à la moyenne de l’Amérique latine où ce pourcentage est de 67 %.
Une relativement bonne information
Bien que, comme on l’a vu, l’usage des méthodes contraceptives soit loin d’être généralisé, 65 % des jeunes vénézuéliens affirment avoir une pleine connaissance des diverses options disponibles. Ils citent le préservatif et la pilule comme les méthodes les plus efficaces pour éviter les grossesses non désirées (96 et 90 % respectivement). Puis viennent la pilule du lendemain (51%) et le coït interrompu (46%). (Ce dernier pourcentage est, soit dit en passant, le plus élevé des pays d’Amérique latine). 39% des adolescents vénézuéliens admettent connaître au moins 3 ou 4 méthodes contraceptives et seuls 5 % d’entre eux n’en connaissent aucune –contre 13 % au Brésil, par exemple.
Cette information sur les contraceptifs, les jeunes vénézuéliens l’obtiennent en premier lieu de leurs parents (50 %), ensuite du gynécologue (48 %), du pharmacien (36 %), des amis et des professeurs (25 %).
Quant à l’âge de la première relation sexuelle au Venezuela, il est de 16 à 17 ans pour 35 % des jeunes, de 14 à 15 ans pour 30 % d’entre eux. À remarquer toutefois que 83 % des jeunes dans le pays considèrent qu’il est important d’avoir une relation stable avant d’avoir des relations sexuelles. Seulement 11 % des filles et 22 % des garçons pensent que cela n’a aucune importance.
Naturalité et spontanéité
Que conclure de ce tableau statistique ? En vrac :
- Que ce n’est pas l’information sur la sexualité et la contraception qui fait défaut au Venezuela.
- Que les supposés tabous imposés par la religion catholique n’ont plus guère d’importance (s’ils en ont jamais eu dans ce pays aux profondes racines « païennes »).
- Que le magico-religieux, toutefois, reste une composante essentielle de la sexualité pratiquée réellement : dans les villages, jusqu’il y a peu, c’est Dieu, et lui seul, qui décidait du nombre d’enfants. Même ceux qui prétendent vivre dans la modernité, ne se trouvent pas loin de cette croyance.
- Que la sexualité des jeunes (et des moins jeunes) reste dominée par la spontanéité et la naturalité plutôt que par la rationalité, dans une vision toute caribéenne du sexe. Une vision puissante qui trouve ses racines dans les sociétés précolombiennes et africaines restées sous-jacentes dans l’actuelle structure sociale vénézuélienne.
La contraception se trouve, elle, indéniablement du côté du rationnel. Les campagnes qui cherchent à la promouvoir auprès des jeunes (dont fait partie l’étude citée plus haut) en appellent également au rationnel. Aussi peinent-t-elle à s’imposer face à une forme de sexualité qui se veut avant tout libre et naturelle. D’autant plus que le sexe, dans cette perspective, touche aussi, quelque part, au magique et au religieux, un solide socle infrastructurel qui n’est pas près, au Venezuela, d’être ébréché.
Bonsoir,
Je suis jeune sage-femme et votre article m’interpelle. <je reviens de 3 semaines au Vénézuela, et j'ai constaté la forte jeune population. Aussi, je compte revenir au Vénéz au mois de septembre et je souhaiterais savoir qi le sida est tabous ou au contraire, y a t il de vaste campagne médiatisé pour justement sensibliser les jeunes à utiliser le préservatif comme avant moyen de contraception, mais aussi barrière du virus?
Merci de me répondre…sachant que je souhaiterais travailler comme sage-femme dans ce pays.
Sabrina
Sabrina, je ne suis pas spécialiste de santé publique, mais voici mon impression : le sida n’est plus tabou dans la population jeune et urbanisée, mais il l’est encore dans de vastes couches de la population, notamment rurale. Il y a bien des campagnes de sensibilisation, mais elles sont plutôt discrètes. Le préservatif, en tout cas, n’a pas la cote parmi les jeunes et le sida n’entre pas dans leurs préoccupations premières. Selon les statistiques, le taux de séropositivité serait de 0,7 % chez les adultes. Vous trouverez ici un rapport sur le sida au Venezuela, datant de 2003-2004: http://www.venescopio.org.ve/docs/VIH_SIDA.pdf
Bonsoir,
Merci de m’avoir répondu…
Je reviens au Vénézuela en septembre prochain et je souhaiterai pouvoir trouver des institutions où des sages-femmes francophones travaillent…ou notamment des dispensaires au niveau du Delta de l’Orénoque ou au llanos.
Pourriez-vous m’aider…
Merci encore pour votre article!