
Un combat acharné
Élections législatives au Venezuela ce dimanche 26 septembre. La lutte risque d’être acharnée entre les partisans de Hugo Chávez et les opposants de tous bords. L’enjeu ? Tout d’abord compter les forces en présence.
En effet, on sent depuis quelques mois que l’appui à Hugo Chávez a faibli, y compris parmi ses propres troupes, et ce tant dans les bidonvilles urbains que dans les zones rurales. Ce qui ne veut pas dire que l’opposition a nécessairement grandi. C’est en effet plutôt le scepticisme qui a gagné du terrain… Ces élections constituent donc une excellente occasion pour permettre à chaque camp de compter ses forces, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012, à laquelle Hugo Chávez est déjà candidat déclaré.
Au-delà du simple comptage des forces en présence, l’enjeu consiste pour le président à conserver une majorité des deux-tiers à l’Assemblée, afin de pouvoir continuer son action et faire passer de nouvelles réformes destinées à « approfondir la révolution bolivarienne ».
Sondages peu crédibles
Faisons peu de cas des sondages, peu crédibles et instrumentalisés par les forces politiques en présence. Certains donnent Chávez gagnant avec 52 % des voix, d’autres le voient perdant la majorité absolue. Le tout se jouerait donc dans un mouchoir de poche. Mais sont rarement sondés ceux qui appuient Chávez du fond de leur bidonville ou de leur campagne profonde.
La journée a commencé très tôt pour les chavistes : dès trois heures du matin, des pétards ont retenti dans les différents quartiers et un clairon tout ce qu’il y a de plus militaire a même sonné la charge! Il s’agissait de mobiliser les troupes pour qu’elles fassent acte de présence aux différentes tables électorales et n’oublient pas d’aller voter.
Car l’un des principaux écueils de ces élections, pour les chavistes, serait l’abstention à un scrutin qui ne met pas directement en jeu la personne du président et pourrait être considéré comme secondaire. Cela laisserait la voie libre à l’opposition, cette fois fortement motivée. Il y a cinq ans, prétextant une fraude massive, cette dernière avait boycotté le scrutin. Elle s’en mord toujours les doigts : cette grave erreur avait permis à Chávez de gouverner pendant cinq ans sans la moindre opposition à l’Assemblée nationale.
Interpréter les résultats
Comment faudra-t-il interpréter les résultats?
- Dans un premier temps, il faudra voir si Hugo Chávez conserve la majorité absolue des suffrages (plus de 50 %). C’est le chiffre-clé permettant de mesurer le degré de popularité du président, qui s’est mis en avant dans la campagne. Dans ce sens, ces élections apparaissent comme un plébiscite, en quelque sorte.
- En deuxième lieu, il faudra voir si, en terme de sièges, les partisans de Chávez conservent une majorité des deux-tiers à l’Assemblée. Même avec un peu plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur du chavisme, cela pourrait être le cas, grâce à une loi électorale et un redécoupage des circonscriptions favorables au gouvernement actuel. Revers de la médaille : si le chavisme obtient une majorité de sièges mais moins de voix que l’opposition, il serait irrémédiablement affaibli, car sa domination à l’assemblée pourrait être considérée comme illégitime. Ce serait là le pire des résultats pour lui.
- Enfin, il faudra estimer les résultats en fonction du taux général d’abstention. Moins celui-ci sera élevé, plus les résultats seront considérés comme légitimes, tant pour le chavisme que pour l’opposition. Mais il est évident que le président a plus besoin que ses opposants de votes exprimés en sa faveur, s’il désire confirmer sa position de force à l’approche des élections présidentielles de 2012.
Vœux pieux
Le retour de l’opposition à l’Assemblée nationale est en tout cas assuré. Peu importe les résultats, ce sera la grande nouveauté à l’issue du scrutin. Certains pensent que cela va handicaper le chavisme, habitué à gouverner seul depuis cinq ans. Je pense exactement le contraire : face à une opposition que l’on espère cohérente et structurée (rien n’est moins sûr, cependant, tant les disparités sont criantes entre les partis qui la forment), le chavisme sera tenu de mieux se définir idéologiquement (lui aussi est très dispersé) et devra revoir ses actions pour plus d’efficacité et de cohérence. L’approfondissement du processus de transformation sociale et la reconquête de ceux qui se sont éloignés du mouvement sont à ce prix.
À l’issue de ces élections, on ose ingénument espérer que s’instaure un véritable débat politique en lieu et place des injures manichéennes qui sont (malheureusement) le lot de tous les jours dans ce pays profondément divisé en deux camps irréconciliables.
Se parler, s’écouter, argumenter…, tout simplement ! Vœux pieux, probablement : c’est sans doute beaucoup demander à des hommes politiques habitués à la négation de l’autre et plus aptes à se lancer dans un combat de coqs –jusqu’à la mort de l’adversaire, si possible– qu’à participer à un débat constructif et contradictoire.
Bravo pour cette analyse judicieuse qui cerne bien la réalité Vénézuelienne et les enjeux (relatifs) de cette élection. Pour moi, « Chaviste » mais pas inconditionnel, j’adhère à l’idée qu’il faut une opposition (inorganisée telle qu’elle est qujourd’hui, Chavez ne risque pas grand-chose…).
C’est vraiment très agréable de lire des avis modérés et critiques de la part d’un expatrié.
Saludos